Le Soldat oublié est le récit de Guy « Sajer » Mouminoux, jeune français de 17 ans embarqué dans la deuxième guerre mondiale sous l’uniforme allemand. En effet, Sajer est mi-allemand part sa mère. Il est alors incorporé dans la Wehrmacht et va se battre pour sa deuxième patrie, sur le front de l’Est. Dès le début de l’histoire, j’ai été immédiatement en phase avec Sajer. J’ai parfaitement compris ce qu’il voulait dire ainsi que sa manière de penser.
J’ai ressenti la détermination et la fierté du jeune soldat, à peine sorti de l’enfance, au camp d’entrainement en Pologne. Puis j’ai ressenti les montagnes de peurs et de désespoirs qui sont venues l’écraser, lui ainsi que ses camarades feldgrau.
Ce livre est terriblement éprouvant à lire. Comme je le disais j’étais en phase avec Sajer, et cela vaut aussi pour les nombreux épisodes que nous allons traverser. Par exemple, lors de la première retraite, au moment où Neubach, un camarade de Sajer se fait mitrailler.
J’étais complétement désemparé face à toute la détresse et à la crise de larmes de Sajer.
Ce n’est que le début d’un amoncellement de souffrances et de terreurs. Je ne vais pas en faire la liste, mais je tiens à dire que la bataille de Bielgorod est un véritable traumatisme. On comprend bien qu’après elle, rien ne sera plus comme avant. Quelques mots aussi sur la terrible passage du Dniepr. La Wehrmacht est à nouveau en retraite, des milliers de soldats allemands s’entassent alors le long du Dniepr, l’armée rouge sur les talons. Le fleuve leur barre le passage et ils vont passer des longs jours, à assaillir le peu de radeaux qui flottent les chercher, à éviter les bombes « d’Ivan », et à lutter contre la terrible angoisse qui monte en eux. Sans oublier la pluie. On arrive finalement vers la fin du livre, terrifié, épuisé, à l’instar de Sajer et ses compagnons. On espère la fin de la guerre, mais il faut encore se battre. Et quelle bataille, c’est celle de Memel.
Memel n’est plus vraiment une bataille, mais un cauchemar. J’ai un peu perdu le fil des évènements lors de Memel, vraiment comme s’il s’agissait d’un cauchemar. C’est un chaos pendant lequel les hommes sont des créatures hurlantes qui deviennent brusquement muettes. Sur terre, ce n’est qu’un champ de ruines sous un brouillard de feu. Sur mer des bateaux de réfugiés coulent au milieu des icebergs. J’ai eu le sentiment de voir un tableau de Beksiński. Sajer survie finalement et finit par rentrer chez lui après quelques derniers épisodes.
Ce livre m’a laissé au bout du rouleau. À cela s’ajoute la tristesse de se rendre compte que cette histoire, réellement vécue, lourde à porter, avec tous ces traumatismes, ne trouve aucun lieu d’expression. La parole des vaincus et leurs souffrances n’intéressent personne. Guy Mouminoux a dû porter cette histoire seul. Il l’a couché sur papier pour tenter de s’en décharger, mais cela n’a pas réussi à le soulager. Par contre, ce livre lui donnera l’image de « facho », il avait pourtant pris le soin de l’écrire sous pseudonyme.
Guy Mouminoux est décédé il y a un mois à peu près. J’espère sincèrement qu’après une vie si éprouvante, il goute enfin au repos et à la tranquillité.