Je lis songe d'une nuit d'été que je trouve magnifique,
ces vers notamment
(je vous rassure je lis la pièce en français, mais c'est plus joli en anglais):
[La flèche de Cupidon] fell upon a little western flower,
Before, milk-white ; now purple with love wound,
And maidens call it Love-in-idleness.
J'aime bien le nom de la fleur devenue mauve sous le coup de la flèche de Cupidon,
(ça reprend le mythe de Pyrame, mort d'amour au pied d'un mûrier dont il donna au fruit la couleur par son sang)
Love-in-idleness,
la fleur blanche représente la pensée ;
l'amour au contact de la pensée, d'abord flèche devient indolent, idle, to idle, ralentir, la rencontre de la pensée mène l'amour à un ralentissement.
Le sentiment est plus vif que la pensée, mais aspiré comme par capillarité par celle-ci, c'est presque tragique, au départ le sentiment n'était pas une couleur mais une flèche perdue...
Le pouvoir de la pensée cela dit est celui de l'anticipation,
a-t-elle le pouvoir de s'aménager un espace de liberté
au sein duquel le sentiment pourra de nouveau voler
comme une flèche?
Je sais pas,
c'est pour ça, rien de tel parfois que de brûler inconditionnellement.
Mais brûle t-on jamais vraiment?
Malheureux peut-être l’homme, mais heureux l’artiste que le désir déchire !
Oui, dans les chagrins d'amour peut-être...
Je brûle de peindre celle qui m’est apparue si rarement et qui a fui si vite, comme une belle chose regrettable derrière le voyageur emporté dans la nuit. Comme il y a longtemps déjà qu’elle a disparu !
Elle est belle, et plus que belle ; elle est surprenante. En elle le noir abonde : et tout ce qu’elle inspire est nocturne et profond. Ses yeux sont deux antres où scintille vaguement le mystère, et son regard illumine comme l’éclair : c’est une explosion dans les ténèbres.
Je la comparerais à un soleil noir, si l’on pouvait concevoir un astre noir versant la lumière et le bonheur. Mais elle fait plus volontiers penser à la lune, qui sans doute l’a marquée de sa redoutable influence ; non pas la lune blanche des idylles, qui ressemble à une froide mariée, mais la lune sinistre et enivrante, suspendue au fond d’une nuit orageuse et bousculée par les nuées qui courent ; non pas la lune paisible et discrète visitant le sommeil des hommes purs, mais la lune arrachée du ciel, vaincue et révoltée, que les Sorcières thessaliennes contraignent durement à danser sur l’herbe terrifiée !
Dans son petit front habitent la volonté tenace et l’amour de la proie. Cependant, au bas de ce visage inquiétant, où des narines mobiles aspirent l’inconnu et l’impossible, éclate, avec une grâce inexprimable, le rire d’une grande bouche, rouge et blanche, et délicieuse, qui fait rêver au miracle d’une superbe fleur éclose dans un terrain volcanique.
Il y a des femmes qui inspirent l’envie de les vaincre et de jouir d’elles ; mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard.
Baudelaire - Le désir de peindre
L'image de la Lune est d'autant plus opportune que l'on en parle aussi dans Le Songe d'une nuit d'été,
sous un jour (si j'ose dire) moins brûlant que chez Baudelaire,
la Lune,
astre d'Artémis, croissant de l'arc bandé,
astre de Diane déesse de l'amour chaste, qui sous ses airs platoniques peut être
sinon brûlant, finalement,
du moins très chaud.