A part Le garçon en pyjama rayé, il semble qu'aucun livre de John Boyne n'ait été adapté au cinéma, ce qui peut paraître surprenant, eu égard aux qualités de narration de chacun de ses ouvrages. Le dernier en date traduit, Le syndrome du canal carpien, pourrait, sans aucun doute, faire un grand film ou, plutôt, une véritable série à rebondissements, avec pour personnages principaux les 5 membres d'une famille londonienne, les Cleverley, tour à tour aux prises avec les réseaux (des cas) sociaux, pour des raisons diverses et crédibles, dans ce monde du politiquement correct, même si l'accumulation des avanies qui leur tombent dessus ont un côté "too much" dans les dernières pages du livre, ajoutant cependant à son côté caustique et jubilatoire. Plus qu'une satire, Le syndrome du canal carpien est une farce qui tire à boulets rouges sur les obsédés du téléphone portable et des réseaux, mais aussi sur le wokisme et autres aléas du temps présent. Les Cleverley sont tous antipathiques, certes, mais leur entourage et, plus globalement, la société des bien-pensants, ne le sont pas moins, l'esprit rivé à l'air du temps et prompts à dénoncer ceux qui agissent ou écrivent de façon "non appropriée", que cela soit en matière de maltraitance animale, de transphobie ou de racisme. Boyne s'en donne à cœur joie, épinglant les nouveaux conformismes autant que les vieux réflexes patriarcaux ou coloniaux. Les situations absurdes et loufoques se multiplient avec, entre autres, un danseur ukrainien qui couche avec tout ce qui bouge, une tortue centenaire nourrie aux after eight ou encore un homme qui refuse de s'intéresser à des partenaires qui ont moins de 10 000 Followers. Les dialogues du roman sont hilarants, le traditionalisme des uns se confrontant au radicalisme des autres. Boyne, avec délectation, nous entraîne dans une cascade ininterrompue d'événements drolatiques (pas pour ceux qui les vivent) qui caractérisent une drôle d'époque, la nôtre, dominée par l'exhibitionnisme, l'hypocrisie et le lynchage textuel, sans aucune autre forme de procès. Un régal amoral et pyrotechnique.

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le 7 avr. 2022

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