Livre majeur de la littérature du vingtième siècle « Le tambour » raconte l’histoire d’Oscar qui a refusé de grandir à partir de l’âge de 3 ans pour ne pas rentrer dans le monde des adultes alors dans l’entre-deux-guerres. Mais Oscar est enfermé dans un asile psychiatrique. Et son discours n’est pas toujours facile à cerner. Il évoque de nombreux personnages et de nombreuses situations (chapitres d’une douzaine de pages).
Le roman évoque la ville de Dantzig et son passé chaotique. Oscar se sent Polonais, mais sa ville a subi de nombreuses influences. Lui-même a voyagé en Europe. Sa particularité est d’avoir utilisé un tambour (aux couleurs du drapeau polonais) pour s’exprimer. Oscar exprime ainsi son angoisse vis-à-vis d’un monde qui ne tourne pas rond. Mais il exprime également son mal-être. Ainsi, même si sa mère vit avec Matzerath, Oscar considère que son vrai père est Jan Bronski l’amant de sa mère. Oscar tombe amoureux plusieurs fois. Son amour éternel va à Maria dont Oscar se considère comme le vrai père de son fils Kurt.
Tout ceci est révélateur. Oscar n’est sûr de rien et le lecteur non plus. D’autant plus que le discours d’Oscar est souvent confus. Il raconte sa vie avec un tel luxe de détails et de situations qu’on a parfois du mal à le suivre. Et puis, il y a son style d’écriture. Dans de nombreuses phrases, Oscar parle de lui à la fois à la première et à la troisième personne du singulier. On le sent à la limite de la schizophrénie. Dans des phrases parfois sinueuses, Oscar s’exprime à sa façon. Parfois du langage parlé, parfois du style télégraphique et quelques trouvailles littéraires. Bref, ça part dans tous les sens.
Le lecteur cherche constamment à comprendre en interprétant le discours d’Oscar. La connaissance de l’aspect historique ne suffit pas. Il faut suivre les péripéties qu’Oscar se plaît à raconter. Il rencontre tant de personnages dans tant de situations qu’il faut s’imprégner de beaucoup de détails pour bien suivre. Le tour de force littéraire en vaut largement la chandelle. Le style de Günter Grass souvent qualifié de rabelaisien est en fait inimitable. Oscar a tant de choses accumulées dans sa mémoire qu’il déverse tout cela de façon torrentielle, comme quelqu’un qui a dû garder tout pour lui pendant trop longtemps. Et puis Oscar a son caractère. S’il a refusé de grandir, c’est parce qu’il n’en fait qu’à sa tête. Plutôt que de rentrer dans un moule, il se verrait bien dicter sa loi. Or, à l’école par exemple, cela n’a pas été possible. Alors, il se débrouille avec ses aptitudes. Il est certes petit en taille, mais il joue du tambour comme personne et il a un étonnant pouvoir vitricide. D’un cri suraigu, il peut briser des vitres à volonté. Mais Oscar peut-il se contenter de devenir une attraction de fête foraine ?
Le roman n’y va pas de main morte dans sa charge contre le catholicisme. Oscar toise les statues de Jésus d’égal à égal au vu de sa taille… Il est ainsi très à l’aise pour dire ce qu’il pense. Autant dire que ça déménage. De même, si la guerre n’est pas décrite du côté des combattants, ses effets sur la population sont évoqués. Et, en quelques phrases, le nazisme et Hitler sont catalogués sans la moindre équivoque.
C’est entre autres pour « Le tambour » que Günter Grass a obtenu le prix Nobel de littérature (1999). L’apparence chaotique de ce roman rend sa lecture un peu ardue. Une lecture qui réserve cependant des moments très forts qui sont inoubliables. « Die Blechtrommel » (titre original) a été conçu par un esprit lucide et brillant. Sa lecture est très saine. Un style très personnel à connaître. Par contre, il vaut mieux l’attaquer quand on dispose de temps et d’une liberté d’esprit permettant d’en apprécier toutes les dimensions.