Le Témoin
7.2
Le Témoin

livre de Joy Sorman (2024)

Ce roman nous plonge au coeur de la machine bien huilée qu'est la Justice. Notre justice. Bien décidé à laisser derrière lui son petit confort, le peu d'existence individuelle et chaleureuse, le protagoniste s'enfonce à corps perdu dans les rouages vertigineux du procès, des audiences, des accusations et des plaidoiries.

Cela est brillamment réussi. Aussi parce que ces affaires retranscrites sont bien réelles et cela se ressent. En effet Joy Sorman trouble son récit entre fiction, du côté de Bart, et documentaire puisque l'autrice a bien assisté aux procès qu'elle peut retranscrire. Néanmoins le tout est cousu à la chaîne, sans coupures, sans marques de différenciation entre la pensée de Bart, l'accusation d'un juge, la plaidoirie d'un avocat ou encore la défense d'un accusé. Ainsi ce style va permettre de donner ce sentiment de bloc solide, concentré et nécessairement constitué de chacun des acteurs d'une audience. Que tout est lié, que l'un se nourrit de l'autre et qu'il ne pourrait exister sans ces prévenus. Cela place également, et paradoxalement (un juge et un accusé) tout le monde au même niveau ce qui va renforcer ce sentiment d'arbitraire dans les finalités procédurières.

Avec cette écriture il n'est pas difficile pour le lecteur de s'imaginer dans une salle d'audience et assister à un procès, où tout coule, puisque les uns paralysés par le fait de se faire juger et les autres appliquant froidement un juste retour de bâton, comme un système accommodé depuis longtemps, presque las de la redondance de l'exercice du juge ; on semble juger de façon froide (inhumaine) des actes tout à fait humain.

Si le protagoniste peut parfois prendre de la place que l'on aurait préféré à davantage d'expérimentation au coeur d'une audience, le fait est qu'il s'emprisonne volontairement dans son rôle d'observateur et va finalement s'avérer excellent en tant qu'il abandonne toute individualité pour laisser la place nécessaire aux victimes, aux prévenus, qui eux vont se perdre entre les récits contextuels de leurs êtres et le tranchant glacial de la sentence du juge.

Car quand Jésus dit ne jugez point, la foule dit ne soyez pas laxistes. Quand la juge dit la sanction est juste, Bart entend la souffrance est juste, entend la souffrance est un moyen et une fin, entend nous sommes vengés.

Plus que d'illustrer notre système judiciaire et les fondements de l'équilibre de notre société, ce roman tente d'offrir, avec beaucoup d'humilité, une espérance qui semble se trouver, par une certaine résilience, dans l'acceptation de notre responsabilité collective.

Augustin-Del
9
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le 21 févr. 2024

Critique lue 272 fois

3 j'aime

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