Si l'idée est d'expliquer, d'illustrer, de la façon la plus claire ce qu'est notre monde patriarcal actuel, ce film le fait très bien. A vrai dire, si l'on retirait les scènes de nudité, qui sont conséquentes, il serait très certainement classé comme film pour enfant. Et cela fait sens, en tant que référencé à des contes, des classiques, tels que la nouvelle de Mary Shelley ou encore évidemment à Alice au pays des merveilles. Ce film a une esthétique et une modalité très pédagogique.
Néanmoins il y a du sexe, très souvent cru et gras. Et le film est bon en tant qu'il ne fait pas l'erreur de dissocier sexualité, sexisme et inégalité de genre. La découverte du sexe en tant que corps qui se confondent, s'impactent, se rentrent dedans, peut sembler être la représentation de l'entrée d'une femme dans le monde.
L'héroïne va continuellement chercher à pénétrer dans le monde, en parallèle qu'elle va se faire pénétrer. La prise de contrôle, lente mais certaine, de son corps, témoigne d'une façon d'être au monde qui dépasse tout ce que les hommes peuvent être dans le film (et pas que ?). Ces derniers sont tous plus ou moins pathétiques, enfantins et d'une immaturité à mettre en parallèle avec les début de l'héroïne.
Il n'est pas question d'émancipation féminine, mais bien davantage de prise de conscience d'un corps, féminin de surcroît, ce qui implique donc tout ce que le scénario révèle par la suite.
Il n'est pas difficile de sentir que le film déborde de symbolisme, d'Oedipe à Médée, des pères que l'on veut tuer puisqu'ils ne peuvent s'empêcher de nous contrôler. Néanmoins point d'émancipation d'une femme là dedans, il n'y a qu'à lire la finalité du long métrage. Un père qui tient de son père lègue à sa fille tout ce qu'il est et cette dernière va marcher sur ses pas. De créature soumise au patriarcat à créature soumise au patriarcat. Bella persiste et fait subir ce qu'elle a subit, en pire. Bella ne s'émancipe pas en tant qu'elle dépasse un monde, c'est une femme qui prend la place du père et qui l'arrange pour son mieux. Et ce n'est pas nécessairement négatif mais c'est ici qu'il peut y avoir une rupture entre le "message" qui témoigne du monde patriarcal, et qui le fait bien, et le film en tant qu'oeuvre cinématographique et donc esthétique et matérialiste. Si les deux peuvent se mêler, se confondre, ce n'est pas toujours le cas. Et le fait qu'Emma Stone soit en partie productrice doit jouer un rôle là-dedans.
Un film qui va certainement rendre chèvre certain...