Presque 600 pages, c'est long. Surtout pour entrer dans un récit qui débute avec de très nombreux poncifs ; lui qui n'a rien, elle qui a tout, l'oncle violent, la misère, la bourgeoisie, le fascisme...etc. Tous ces sujets sont traités de façon extrêmement attendue. Il arrive même que cela frôle le ridicule (le cirque dirigé par un nain, qui se nomme "Bizzaro", et une vieille prostituée, en est un bon exemple).
Néanmoins, il est difficile d'ôter absolument un côté sympathique à ce roman. Peut-être est-ce mon amour inconditionnel pour l'Italie ? Certains personnages deviennent touchant au fur et à mesure des pages (Vittorio, Metti, Francesco...). Ce n'est pourtant pas le cas du héros qui est une refonte franco-italienne atteinte d'une anomalie de croissance du personnage type à la Salinger ou Fante, à savoir ce jeune homme aigri, méfiant, jamais souriant et qui combat tout avec une certaine audace et un certain talent que l'on peine à croire, tant ce n'est que peu réaliste, non pas car les génies n'existent pas, mais simplement parce que pour un personnage qui se plaint d'avoir une vie miséreuse durant la bonne moitié de l'histoire, son récit est au final sacrément légendaire... puisqu'il devient le plus grand sculpteur au monde, après Michelangelo Buonarotti (Ils portent d'ailleurs le même prénom, cela en dit long sur certains choix subtiles...). De même pour Viola qui, si elle invoque chez moi davantage de tendresse, reste le stéréotype de la petite bourgeoise bridée par sa famille et sa classe. Il est évident que cela est réaliste, néanmoins comme c'est le personnage secondaire du héros, encore une fois, son récit à elle est bridé.
Mais le plus dérangeant avec ce genre de romain contemporain, ce n'est pas le récit qui, au final, reste sympathique et pas nécessairement désagréable à lire (surtout quand on aime l'Italie et que l'on s'intéresse à l'entre-deux-guerres). C'est le manque de matière littéraire. On a très, trop, souvent cette sensation de lire un script de film. C'est un regard de cinéaste qui nous livre et nous guide entre les lignes. Mention spéciale à la scène où le Padre Vincenzo referme la pièce où se trouve la Pièta qui est tout simplement la description très crédible d'un plan de caméra. Un grand roman, c'est aussi de la poésie, de la poésie dans son sens le plus brut. Pour un roman qui parle de sculpture, ne pas sentir la matière, ne pas sentir le travail extrêmement laborieux que cela représente, c'est dommage. Ce livre manque de brutalité et de subtilité dans son écriture.
C'est d'ailleurs assez drôle et ironique que le meilleur passage du roman décrive exactement une vision de l'art qui s'oppose à celle de ce qu'est ce livre ; c'est lorsque Mimo explique ce que sculpter veut dire à un jeune apprenti :
"C'est juste enlever des couches d'histoires, d'anecdotes, celles qui sont inutiles, jusqu'à atteindre l'histoire qui nous concerne tous, toi et moi et cette ville et le pays entier, l'histoire qu'on ne peut plus réduire sans l'endommager."
C'est à mes yeux le plus beau passage du livre, avec la phrase sur Jésus qui est une femme. C'est aussi je crois une belle définition de l'art en général. Mais malheureusement, je ne retrouve pas cela dans ce récit. L'écriture n'est pas mauvaise mais efficace.
L'auteur a dit dans une interview qu'il avait eu envie d'écrire un livre qu'il aurait aimé lire lorsqu'il était gamin. C'est vrai qu'à 15 ans j'aurais vraiment pu l'apprécier. Mais aujourd'hui avec légèrement plus de lectures à mon actif, difficile de dire que c'est un grand livre...