Première découverte des écrits de Erri de Luca avec Le tort du soldat. A travers une écriture fluide et cadencée, l’auteur aborde plusieurs points de vue : celui du narrateur bien sûr mais également celui de la fille du soldat, jamais nommée. Ici, ce sont surtout la langue et l’écriture qui sont au coeur de l’histoire. Du point de vue du narrateur, la nécessité de retrouver la langue yiddish, de la prononcer et de la faire vivre comme un témoignage de l’oppression et de la survivance de ses orateurs. De l’autre, un soldat, vu à travers les yeux de sa descendance, qui recherche, dans les mots yiddish sa propre perte et la défaite du nazisme.
Ainsi, de mots en mots, ce sont deux visions opposées de la défaite et de la guerre qui se confrontent. En très peu de pages, et même si l’oeuvre aurait pu gagner en intensité en faisant de ses personnages des êtres attachants et non seulement des témoins, l’auteur parvient à l’essentiel : lire, écrire, prononcer une langue chérie et lier ses personnages grâce à elle. L’ensemble reste ainsi intéressant et a le mérite d’interroger sur ce qui reste de la pensée, des croyances et de l’idéologie après la mort et la défaite. La langue devient alors un refuge et une expérimentation, ce qui donne à ce court roman des allures de petit essai. Une oeuvre délicate bien que violente à sa façon. A découvrir.
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