Si les fantômes n'y traînent pas de boulet, ce livre, si
Henry James, je ne le connaissais pas. Le tour d'écrou c'est un livre que m'a offert ma petite amie en fouillant - je suppose - dans des caisses de livres bizarres au coin d'une librairie, et dans cette optique-là du "on a parfois de bonnes surprises", mais on est aussi souvent déçu.
Si je m'étais écouté, je n'aurais sûrement pas poursuivi ce "récit" (240 pages pourtant, mais que l'on considère comme moins qu'un roman (histoire, apparemment, de prouver le talent de mise en scène de James dans un canevas étroit)) au-delà de la cinquantième page (je suis respectueux, mes cadeaux je les use jusqu'au bout, et puis même, je déteste ne pas finir un livre). Je ne crois pas avoir lu de plume aussi lourde, aussi imbuvable que celle-ci. Je veux bien mettre une grande partie de ce tort sur le dos de la traduction de Monique Nemer qui, à l'évidence, a dû retranscrire mot à mot le phrasé alambiqué de l'auteur, certainement bien plus harmonieux en anglais qu'en français (et encore, des doutes persistent). J'ai cette désagréable impression que la description d'un sentiment, que le contour des caractères ne sont dessinés qu'avec l'aide d'un alignement d'adjectifs convenus, et dont la définition se puise uniquement dans l'idée que s'en fait l'opinion publique, ou encore dans d'autres lectures qui l'auront bien assez détaillée pour prendre la peine d'y revenir. Alors même arrivé aux trois quart de l'oeuvre, le lecteur lira ces noms de Miles et de Flora comme il les a vu mentionnés dès les premières pages : des os sans chair. Il y aura eu cette tentative d'injecter en eux la cruauté, la mesquinerie, et même cette illusion des cornes sur le front, et ce par le biais de la gouvernante qui, n'ayant à la bouche que ces mots d'"horreur", d'"abomination", d'"impensable", ne cessera tout au long de l'oeuvre de définir chaque personnage, chaque détail de l'environnement avec cette utilisation de l'adjectif extraordinaire, indicible, ineffable. Le résultat est là : psychologie passée au hachoir, fantômes construits avec la somme d'innombrables ignominies jaunâtres verdissantes terribles et abominables, et une tragédie de dernière ligne qui ne fera pas ciller le lecteur.
En bref, Le tour d'écrou ne dessine que l'extrême de la psychologie, l'extrême du mystère, l'extrême de l'histoire de fantôme, et ce sans jamais avoir l'habileté de tourner autour d'une vérité, mais en la taillant brutalement, grossièrement avec ce burin d'adjectifs imbuvables, et qui sous sa vase fait périr toute la narration, tout le faible intérêt qu'il eut été possible de déceler sans ce plomb qui n'épargne pas une seule page.