Chroniques du monde d'avant

Tombé par hasard sur ce livre, je le choisis pour son titre ne connaissant ni son auteur ni le contexte de son écriture.

Il se trouve qu'Alain Danielou écrivit ce recueil de chroniques au fil de l'eau et pendant son périple aux 4 etapes, dans les colonnes d'un journal.

Age de 30 ans a peine au début de son aventure, il pose cependant une lecture critique bien établie, souvent nuancée, parfois sarcastique voire féroce mais toujours subtile - ajoutant même si et la quelques touches lyriques.

Démarrant son tour du monde par l'Amerique, on se rend vite compte du peu d’égard qu'a l'auteur pour ce pays- règne de l'argent et de ce qui brille, manque d'inspiration et de finesse et - surtout - tristesse et désespoir sous les apparences souriantes et enjouées. Beau joueur, il reconnait toutefois a l'Amerique et a ses habitants une énergie, un dynamisme et même une qualité de travail remarquables. En résume, son analyse me semble tout a fait juste - rien n'a change depuis...

Place ensuite au Japon, qui ne lui laisse pas de souvenirs profondément marquants - en tous les cas c'est ce qui transpire de ses écrits. Il remarque toutefois la finesses de mets et de l'architecture nippone, le poids des traditions et un sens du détail confiant a la maniaquerie.

La Chine qu'il décrit ensuite m'a fait penser a un monde perdu - très proche de l'image qu'en fait Herge dans le Lotus bleu - un pays hors du temps ou le poids de la civilisation est plus fort que toute influence extérieure, et ou même les lieux de débauches (opium, prostitution) sont enveloppes d'un mystère insondable. Vrai surprise également que sa description de la ville de Shanghai en 1936 (!) "la ville la plus moderne du monde".

Il dresse ce parallèle entre Amerique et Chine qui résume bien les très belles pages qu'il consacre a ce pays "Apres l'Amerique, u le vrai luxe est ignore, ou l'effort moderne qui est certain, est entrave par le manque d'imagination et de personnalité, une civilisation neuve s'epanouit a Shanghai comme l'herbe après la pluie". Comme les choses ont changées! NY et Shanghai étant aujourd'hui quasi interchangeables...

Puis vient le tour de l'Inde dont il deviendra amoureux - l’essentiel de sa vie après ce séjour sera dédie a l’étude de la culture et de la musique indienne.

On sent déjà dans ces descriptions touristique et sensorielles l'impact que lui procure ce pays, son peuple, sa civilisation et sa culture hindouiste permettant une réelle connexion entre monde intérieur et monde extérieur, entre soi et les autres, entre l'homme et les animaux - en somme un corps sain dans un esprit pur. La encore, l'impression de suivre les traces d'un explorateur et la tristesse de se dire que jamais plus il ne nous sera possible de découvrir un pays comme cela se faisait a une époque pas si lointaine. Lorsque les voyages de ce type se faisaient par tous les transports imaginables a l’exception de l'avion, lorsqu'un ambassadeur français de régions reculées recevait un compatriote au débotté pour dîner, lorsqu'un maharadja recevait ses hôtes étrangers tels des princes venus d'horizons lointains.

Ce monde a existe (et il avait aussi des cotes sordides - cf les bordels de Pekin ou les pratiques sexuelles bizarres du maharadja...) , il n'est plus - ce petit bouquin emprunt de vraie poésie et de solides réflexions nous permet de nous le remémorer - pour cette seule raison, il mérite d’être lu.

Et cette fin : "Au fond, pour les étrangers que nous sommes devenus, cette vie occidentale semble hostile et superficielle. Quand repartons-nous?¨"