Je repense au mot "divulgacheur". Est-il bien nécessaire ? Le mot "divulgation" ne suffisait-il pas ?


Nous (consommateurs d'intrigues en climax depuis vingt ans, et sensibles aux anglicismes depuis le XVIIe siècle) avons vite intégré le mot "spoiler" au langage d'usage, au début des années 2000, en moins de temps qu'il n'en fallut à Michael Scofield pour s'évader d'une prison. Alors l'Académie a dû faire son travail pour ramener sur terre les spectateurs partis trop loin. Cela a pris du temps, c'est une tradition je crois, mais voilà donc que le mot "divulgacheur" entre dans le dictionnaire, quasi-synonyme du mot "divulgation" (passé à la moulinette de loutres atlantiques), petite monstruosité qu'il nous faudra bien apprivoiser.


Je ne le déplore pas complètement, je me sens plutôt du côté des Modernes, qui cherchent à se libérer du fantôme de Vaugelas, qui voulait tout fixer (mais disait du mot "exactitude" au 17e siècle, pour sa défense : "c'est un mot que j'ai vu naître comme un monstre et auquel on s'est accoutumé").


C'est simplement que je trouve ce mot très moche, "divulgacheur", et qu'il faudra toute une vie avant que je ne l'utilise plus comme une blague. Les types comme Vaugelas voulait fixer la langue, on les appelait "les remarqueurs", des grammairiens pointilleux sur les tournures de la langue française, moins pointilleux semble-t-il sur la pédanderie, Vaugelas publia en 1647 les Remarques sur la langue française utiles à tous ceux qui veulent bien parler et bien écrire, rien que ça.


Moi je me sens juste un peu triste quand je vois des mots moches qui sortent comme ça, alors qu'il y a le super mot "cumunonébuleux" que j'ai inventé et dont personne ne parle. Je me sens un peu comme Victor Hugo, les gros pavés en moins, qui défendait la langue dans ce qu'elle a de mouvant, dans ce qu'elle est partout et tout le temps le lieu de morts et de naissances miniatures, non sans une certaine mélancolie. Les langues sont comme la mer, disait Hugo.


La vision ancestrale, c'est de dire que le lexique doit faire l'usage. La moderne, c'est de dire que l'usage doit faire le lexique. Je suis plutôt de la seconde.


Je vois cela dit comme une balance, entre l'esthétique et le fonctionnel, d'où ma question : à quel niveau de monstruosité ferait-on mieux de se passer de l'utilité d'un mot ? D'autant que l'utilité de "divulgacheur" reste à prouver, le mot "divulgation" fait bien le travail. Je préconise "divulgation qui gâche", à la limite.


Pour le mot "exactitude" c'est l'inverse, je le trouve plutôt beau quoique peu utile. Je trouve qu'il claque, qu'il a le son de ce qu'il dit. Je comprends qu'on veuille l'apprivoiser.


Victor Hugo était tout de même d'accord pour dire qu'un cadre de la langue rend la langue plus belle. Je suis d'accord, je n'ai rien contre le cadre, quitte à sortir du cadre, c'est comme les blagues, c'est toujours plus drôle dans les moments solennels. Rendre la langue solennelle, ce fut le travail des anciens ; pour mieux jouer avec, ce fut le travail des modernes. Cela me va bien. C'est plus rigolo de jongler sur un sol bien dur que sur une slackline. Petite anecdote pour l'exemple : à l'Académie française, Victor Cousin aurait dit que "la décadence de la langue française a commencé en 1789" et Hugo aurait répondu "à quelle heure, s'il vous plaît ?". Comme quoi on peut se marrer en restant grammaticale, sans pour autant utiliser de proposition verbale (1).


(1) à moins que l'on considère "s'il vous plaît" comme une conditionnelle, et non comme une formule de politesse.

Vernon79
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le 27 mai 2019

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