Dans ce court roman argentin écrit de 1948, Ernesto Sabato raconte dans la bouche du narrateur Juan Pablo Castel la rencontre dramatique avec Maria, seule a comprendre son oeuvre. Le lecteur comprend qu'à travers le regard sur un tableau (oeuvre de Juan Pablo), une illusion de lien se fait.
C'est un drame qui se dessine devant nos yeux entre ces deux personnages auxquels le bonheur ne peut être promis.
Le roman ne fonctionne pas (ou plus peut-être. En tout cas avec moi). Je suis demeuré insensible devant une relation peu développée. Il semble que l'auteur en ne gardant qu'un squelette des sentiments, en en ôtant la chair ait peut-être cherché à tendre vers l'universel. Mais on n'écrit pas un mythe aussi facilement. j'ai trouvé l'ensemble beaucoup trop léger.
oeuvre à clef: (ne pas lire ce qui suit si vous souhaitez lire le livre avec un oeil neuf)
" L'heure de la rencontre était venue ! Comme si nos voies s'étaient rejointes, comme si nos âmes s'étaient ouvertes l'une à l'autre ! Quelles stupides illusions avais-je pu me faire ! Non, les galeries restaient toujours parallèles, même si maintenant le mur qui les séparait était comme un mur de verre et si je pouvais voir Maria comme une silencieuse et intouchable figure... Non, même ce mur n'était pas toujours transparent : parfois il redevenait de pierre noire et alors je ne savais ce qui se passait de l'autre côté, ce qu'elle devenait dans ces intervalles sans nom, quels évènements étranges avaient lieu ; je pensais même qu'à ces moments-là, son visage changeaient et qu'une grimace moqueuse le déformait et que peut-être il y avait des rires échangés avec un autre et que toutes cette histoires des galeries n'était qu'une ridicule invention à laquelle j'étais seul à croire et qu'en tout cas il n'y avait qu'un tunnel, obscure et solitaire : le mien, le tunnel où j'avais passé mon enfance, ma jeunesse, toute ma vie. Et dans un de ces passages transparents du mur de pierre j'avais vu cette femme et j'avais cru naïvement qu'elle avançait dans un autre tunnel parallèle au mien, alors qu'en réalité elle appartenait au vaste monde, au monde sans limites de ceux qui ne vivent pas dans les tunnels. Et peut-être s'était-elle approchée par curiosité d'une de mes étranges fenêtres et avait-elle entrevu le spectacle de mon irrémédiable solitude, ou peut-être avait-elle été intriguée par le langage muet, l'énigme de mon tableau. Et alors, tandis que je continuais à avancer dans mon étroit couloir, elle vivait au-dehors sa vie normale, la vie agitée que mènent ces gens qui vivent au-dehors, cette vie curieuse et absurde où il y a des bals, et des fêtes, et de l'allégresse, et de la frivolité. Et parfois il arrivait que, lorsque je passais devant une de mes fenêtres, elle fût là à m'attendre, muette et anxieuse (pourquoi m'attendait-elle ? Et pourquoi muette et anxieuse ?) ; mais parfois il lui arrivait de ne pas arriver à temps ou d'oublier ce pauvre être emprisonné et alors, le visage écrasé contre le mur de verre, je la voyais au loin insouciante, sourire ou danser, ou encore, ce qui était pire, je ne la voyais nulle-part et l'imaginais en des endroits interdits ou infâmes. Et je sentais alors que mon destin était infiniment plus solitaire que je ne l'avais imaginé."