Le titre m'avait prévenu : ça allait partir dans tous les sens ! Cela aurait de quoi me plaire : tout à la fois roman de courtes mais intenses aventures et livre engagé.
Je n'avais jamais lu Jack London. Comme ce livre était le seul présent dans ma bibliothèque de quartier et qu'il avait reçu des critiques élogieuses, je n'ai pas hésité à le prendre... Je n'ai pas non plus hésité à vite le rendre une fois fini.
L'ensemble est extrêmement manichéen, et les personnages sont d'une simplicité quasiment parodique. Les gentils hommes sont d'une grande virilité et d'une franche camaraderie, solidaires et loyaux dans les moments les plus terribles. Les méchants sont quant à eux gros, moches, idiots, traîtres, ou tout cela à la fois. Ils sont souvent jaloux des femmes qui papillonnent autour du héros. Femmes dont l'expression est d'ailleurs uniquement réduite à - évidemment - être objet de désir et de conquête. Petit extrait d'une réincarnation des temps immémoriaux :
"Une fois, j'ai été Ushu, l'archer. [...] et elle ne pouvait qu'être attirée par l'homme aux muscles massifs, à la large poitrine, qui chantait ses prouesses de tueur d'hommes et de chasseur, et qui ainsi, promettait à sa faiblesse nourriture et protection, pendant qu'elle engendrerait la descendance [...]"
Au début c'est rigolo, "c'était comme ça à l'époque", hop on passe à la suite. Puis ça devient lourd à force d'être lu à chaque page, et devient franchement insupportable dans l'avant-dernier chapitre, analyse ou ode de 24 pages à la toute-puissante virilité et de l'infériorité intellectuelle scientifiquement prouvée du sexe féminin. Le héros/narrateur Darell Standing insiste tellement sur ces points à longueur du livre que je me pose sérieusement la question du titre de cette critique !
Ce ne sont pas les seuls défauts à mon sens : l'écriture n'est pas mauvaise mais devient chiante tellement elle est constante. Aucun personnage n'est attachant, et le livre est globalement très redondant. Enfin, les histoires des réincarnations sont souvent trop superficielles. Mais c'était un défaut inévitable vu la structure du roman.
Evidemment il n'y a pas que du mauvais. Premier et derniers chapitres à part, ça se lit assez vite et bien. Quand il le veut, Jack London nous immerge très facilement d'une histoire et d'une époque à une autre, sans pour autant changer de style d'écriture. Comme l'on identifie toujours le héros à ses réincarnations antérieures, dont le caractère fièrement rebelle est la constante, les histoires s'empilent et s'assemblent sans difficultés. Jack London a rendu les réincarnations plus vraies que nature. Enfin, les thèmes de la supériorité de l'esprit sur le corps et celui de la condition humaine face à l'univers carcéral sont magnifiquement traités. Un message : "L'esprit est la vie, et l'esprit ne saurait mourir".
Loin d'être parfait, ce livre, le dernier de Jack London, marquera à la fois pour ses positions contre l'univers carcéral et son hommage à l'imaginaire. Considéré comme son dernier acte de militant socialiste, on l'interprète comme un testament littéraire et philosophique. (merci Wikipédia)
Une grande question reste : Darell Standing est-il Jack London ?