Bercée dans Le Ventre de l'Atlantique

Si vous cherchez un beau roman, porté par le lyrisme, alors il faut lire Le Ventre de l'Atlantique de Fatou Diome.

L'écriture, très belle, vient se heurter sur les rochers de la réalité crue de l'émigration.
Il s'y confronte deux histoires. Celle de Salie, étrangère partout. Bercée dans la mélancolie de son enfance au pays, pourtant malmenée par les traditions. Par son village qui ne l'acceptera jamais mais dont elle rêve de la quiétude. D'une recherche de cette maison, qui semble toujours la fuir. De l'autre Madické, rêvant de l'ailleurs de sa demi-sœur, convaincu que la vie y sera plus belle, plus facile, et son avenir plus brillant. Abreuvant cet espoir, le seul permis, dans un village où la prospérité semble impossible.

Ici, pas de leçon de politique migratoire, ni de pathos sur la pauvreté de l'Afrique. Il n'est pas question de plaindre, seulement de raconter.
Salie nous conte seulement son pays à elle. Des mariages arrangés à la honte du bâtard, de l'instituteur bienveillant au marabout abusif. La pression de la famille aussi. La pression d'aider, la pression de nourrir le mythe de cet ailleurs mirifique. Et l'inacceptable réalité de la solitude, du racisme et de la violence de la France. Car la France, c'est l'espoir, la richesse, l’opulence pour tous. Et aucun autre discours ne pourra être entendu.
Omniprésente, cette croyance en un bel avenir dont se jouent marabouts, recruteurs et passeurs ne peut se rêver qu'ailleurs. Un rêve nécessaire à entretenir pour celui qui revient, dont on attend tant et qui attendait tellement de cette épopée vers sa gloire.

Au final, on se laisse bercer dans la poésie de cet atlantique qui accueille ceux dont la terre ne veut plus. Une poésie qui rend plus douce la cruauté des hommes et la dureté du monde auxquelles il faudra bien se confronter.