L'hibiscus pourpre est l'histoire de Kambili, jeune fille introvertie, vivant avec son père, sa mère et son frère au Nigéria. Partagée entre une sincère admiration pour son père et la crainte que celui-ci lui inspire, elle est obsédée par ce que la figure paternelle peut penser d'elle, par l'absolue nécessité de lui plaire. Même si la violence de celui-ci, notamment à l'encontre de sa mère, perturbe la jeune fille, ce n'est pas suffisant pour qu'elle conteste cette autorité suprême.


Le père est aussi respecté par la communauté pour ses dons aux bonnes œuvres ainsi que son courage politique (son journal est le seul qui ose dire la vérité sur la situation politique du pays, frappé par un coup d'État militaire), qu'il est tyrannique avec sa famille. Catholique intégriste, il impose à chacun une discipline de fer en espérant le salut de leurs âmes, avec la violence physique pour méthode de correction.


La mère est une femme effacée. Dans l'ombre d'un mari que tous admirent, elle y comprise, elle semble disparaître au fil des pages, consolant la douleur de ses nombreuses fausses couches provoquées par la violence de son mari à son égard, en nettoyant ses précieuses figurines. Oui, celles qui volent en éclat dès le début du roman.


Quant à Jaja, il est celui par lequel le drame va éclater, celui qui va se révolter contre l'autorité paternelle. Il ouvre d’ailleurs le roman par l’affrontement, acte qui n'a pourtant rien d'évident.


Le livre s'ouvre donc sur la révolte de Jaja, que Kambili va s'expliquer en remontant quelques mois en arrière et à la visite de Tatie Iféoma, la sœur de son père. Aussi volubile que son frère est rigoureux, cette professeure d'université ne craint pas de s'affirmer dans un monde où les femmes ont peu de place. Elle élève seule ses trois enfants depuis la mort de son mari : une fille, Amaka d'un âge proche de celui de Kambili, un fils, Obiora, d'un âge proche de celui de Jaja et un troisième garçon, Chima,en bas âge. Si les deux fratries sont encouragées à réfléchir, s'élever et se cultiver, la méthode n'est pas la même. Aux temps d'échange planifiés qui ressemblent plus à une opération de flagornerie chez Kambili, s'opposent les repas de Tatie Iféoma, bruyants et où chacun lance son avis sans se soucier de heurter l'opinion de l'autre.


Cette étrange famille, vivant dans le bruit et les rires, Kambili et Jaja vont la découvrir alors que leur tante va insister pour que ses neveux aient la permission de lui rendre visite. Pourtant, ce nouvel univers convient peu à Kambili. Elle n'y trouve pas sa place, elle qui est si réservée. Sa cousine, jalouse de son aisance financière, la malmène et lui reproche sa gaucherie. Il faudra l'intervention du Père Amadi, jeune prêtre séduisant et manifestement séduit, pour que Kambili commence à s'épanouir et à se découvrir (jusqu'à sa voix et son rire, qu'elle ne connaissait pas).


Il s'agit d'un joli roman. L'écriture n'est pas extraordinaire, mais très agréable. Elle progresse d'ailleurs au fil du récit, assez puérile au début pour gagner en maturité, comme le fait Kambili. Ainsi, l'évolution de la jeune fille est admirablement rendue. Surtout, il faut admirer le caractère progressif de cette évolution. Rien ne se fait en un jour, mais par petites touches homéopathiques, au gré des rencontres et des événements. Le conflit de loyauté est très bien décrit. Il est aisé de se sentir proche de Kambili, de ses doutes, de ses envies et de ses craintes, de cet être bouillonnant d'émotions non exprimées.


L'une des forces du roman est la profondeur et la nuance des personnages. Aucun n'est si bon ou si mauvais qu'il en a l'air. Du père qui fait preuve d'un véritable courage politique et d'une tristesse sincère alors qu''il maltraite ses enfants, à la tante aux prises de position extrêmes et à l'autoritarisme parfois déplacé. De même, si la relation entre Père Amadi et Kambili apporte beaucoup à la jeune fille en lui permettant de prendre confiance en elle et de s'épanouir, elle comporte aussi quelque chose d’intrinsèquement malsain.


Pour conclure, l'hibiscus pourpre est un très beau livre sur le passage de l'enfance à l'adolescence et sur la remise en cause de la toute-puissance parentale et familiale, avec pour trame de fond le Nigéria. Et malgré la force des thèmes abordés, l'auteure ne tombe jamais dans les travers du militantisme ou du pathos. En bref, j'ai passé un très bon moment en compagnie de Kambili et je vous invite tous à faire sa connaissance.

Felin-Sceptique
7
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Tu vois, ça c'est un bon livre ! et J'ai lu tout ça en 2018 ?!

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le 7 févr. 2018

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Felin-Sceptique

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