Kabyles et harkis
Trois générations, trois personnages principaux : Ali, Hamid et Naïma. C'est à travers eux, et ceux, nombreux, qui les côtoient, que Alice Zeniter raconte dans L'art de perdre l'histoire d'une...
le 23 août 2017
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L’art de perdre retrace l’histoire de trois générations d’une famille originaire de Kabylie traversée par l’indépendance et le déracinement.
Tout commence avec Ali, le grand-père. Il a eu du bol le jour où il trouve un pressoir dans la rivière. Il l’utilise, fait fortune, fonde une belle famille. Ali est un notable local, respecté par ses pairs. Il a même la vice-présidence de l’association des anciens combattants du village. Bref, pour Ali, tout roule.
Enfin, jusqu’à ce qu’une nouvelle guerre vienne se mêler de sa vie. Catalogué comme harki, c’est-à-dire traître, pour avoir voulu protéger son village et son petit monde, il doit fuir avec sa famille. Dans la Kabylie paradisiaque, il avait tout. Dans cette France des camps de transit, il n’est plus rien.
Et ça, son fils Hamid va vite le comprendre. Ne pouvant obtenir de son père le récit de sa famille, Hamid renonce à l’Algérie et à son passé. Il étudie d'arrache-pied et s’intègre dans ce nouveau pays qu’il fera sien puisqu’il n’en a plus d'autres.
À son tour, il fonde une famille. Et si Hamid aime bien critiquer son papounet, il a hérité du patriarche sa tendance au mutisme. On arrive alors à Naima. Née en France d’un père originaire d’une Algérie avec laquelle il ne veut rien avoir à faire et d’une mère qui n’en a jamais vu les côtes. Elle est la fille d’immigré, sans cesse renvoyer à des origines dont elle ne sait rien et qui ne la construisent en rien. Naima, elle est algérienne, mais seulement dans le regard des autres. C’est exotique.
Avec l’histoire dense de cette famille, Alice Zeniter nous trace l’Histoire plus complexe de la fin de la colonisation algérienne. Sans moraliser, sans culpabiliser. Ici, il est question de l’incompréhension d’une personne, d’une famille, face à des événements qui la supplantent.
Les personnages d’Ali et Hamid sont particulièrement touchants. La description poétique de cette Kabylie merveilleuse, idéalisée, opposée à l’arrivée dans une France pluvieuse et morne retranscrit parfaitement le sentiment de paradis perdu pour Ali. Quant à Hamid, il incarne le déchirement entre ses deux histoires, ses deux pays. Coincé entre les accusations de trahison de son père et le silence de ce dernier. Déçu aussi par ce patriarche déchu, dépendant de son fils pour le téléphone et les courriers. Homme respecté devenu l’objet de tous les mépris. Couper avec l’Algérie, c’est combattre son père. C’est aussi ne plus avoir à dire merci. Et merci pour quoi, d’ailleurs ?
Le personnage de Naima est moins réussi, à mon avis. Peut-être à cause de la confusion volontairement entretenue de ce personnage qui est un peu l’autrice mais pas complètement. Et la distanciation parfois un peu maladroite qui est faite dans l’écriture. Néanmoins, sa quête, ou plutôt sa non-quête de ses origines est passionnante. De l’Algérie, elle a tout à apprendre. Et à travers l’Histoire, elle essaie de pister le passé de sa famille, à rebours de la démarche du lecteur, qui suit son initiation.
Finalement, l’Art de perdre est une fantastique fresque sur le récit familial et la quête de soi. Et si on peut déplorer quelques maladresses d’écriture, le roman n’en demeure pas moins agréable et ambitieux.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Tu vois, ça c'est un bon livre ! et J'ai lu tout ça en 2019 ?
Créée
le 25 avr. 2019
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