5 nouvelles, 5 contes, 5 voyages...
Le quotidien, l'illusion, l'irrationnel, le songe, l’imaginaire, le fantastique, ce côté comédie humaine parfois attachant (Bons et loyaux services), parfois effrayant (Les armes secrètes)...
On longe cette fine frontière entre la réalité et l’illusion. D’ailleurs, l'une des nouvelles a inspiré Blow-Up d'Antonioni (Les fils de la vierge) tandis qu’une autre s'inspire de la réalité, celle de la vie de Charlie Parker, tant en y ajoutant sa part de fiction (L'homme à l'affût). Et il est important de noter que cette dernière est une avancée majeure dans l'œuvre de l'auteur: se pencher sur un personnage, sur sa conscience, relater une errance entre deux mondes, entre deux temps, entre la réalité et la folie, au nom du jazz, où un quart d'heure peut se dérouler en deux minutes. Les personnages ne sont pas ici des outils ou des fonctions à remplir au nom du conte. Il s'agit ici de relater une existence, l'essence d'une existence en quelques pages où Cortázar semble dialoguer avec son personnage, comme on pourrait dialoguer avec son double.
Quelque chose germe dans chacune des nouvelles de Cortázar, pourtant il ne nous révèle rien, ou presque rien. On connecte les fragments parsemés avec une minutie diabolique et on en ressort troublés, hantés. Quelque chose s'immisce en nous lecteur. Comme ce moment entre le rêve et le réveil, ce stade où le songe nous habite encore, palpable, mais à mesure que le focus se fait sur la réalité, il se dissipe dans un brouillard plus ou moins épais, ne laissant que son fantôme. Le fantôme d'un rêve, qui peut surgir dans la journée, ou même le surlendemain. Les nouvelles de Cortázar, c'est vivre dans cet entre-deux, dans ce processus de focus entre le songe et l'éveil. Mais se réveille-t-on vraiment?
Mon admiration pour Cortázar ne cessera jamais de croître à mesure que je découvre son œuvre, je ne cesserai d'être ébloui tant par le créateur, le conteur, l'écrivain, que par l'homme lui-même, aussi essentiel que Borges.