Arthur Gordon Pym est le fils d'un négociant prospère de Nantucket, une île de l'État du Massachusetts. C'est son meilleur ami, Auguste Barnard, qui lui donne le goût de l'aventure en lui racontant ses périples sur mer. Et il fait si bien qu'Arthur décide de désobéir à ses parents en s'embarquant clandestinement sur l'Ariel, vaisseau du capitaine Barnard père. Nous sommes en juin 1827. Ainsi commence pour les deux jeunes gens une odyssée riche en péripéties ... toutes plus horribles les unes que les autres.
Arthur sera tour à tour prisonnier dans la cale d’un navire révolté, naufragé en pleine mer, menacé par une tribu sanguinaire et enseveli dans une montagne de l’Antarctique, avant d’atteindre le pôle où il découvre un mystère innommable. Ames sensibles s’abstenir, car le roman est jonché de scènes véritablement atroces. Quoi d'étonnant de la part de Poe? Ceux qui ont lu "Le chat noir", "Le puits et le pendule" ou d'autres nouvelles dans le même goût seront certainement préparés au pire. Quant à notre roman, on y assiste à une boucherie par les mutins de l’Ariel, à un festin cannibale, ainsi qu'à l’apparition d’un navire fantôme dont les passagers pourrissent sur pied. Lorsque la faim et la soif menacent le héros, Poe s’étend sur ses souffrances avec une sorte de sadisme, en décrivant toutes les étapes de la déchéance physique. On y retrouve aussi un thème récurrent de l’auteur: l’ensevelissement prématuré. A deux reprises – dans la cale de l’Ariel puis dans les collines de Tsalal -, Arthur est confronté à ce cauchemar :
« Je crois fermement, raconte-t-il, qu'aucun des accidents dont peut être semée l'existence humaine n'est plus propre à créer le paroxysme de la douleur physique et morale qu'un cas comme le nôtre : - Être enterrés vivants ! »
Pour donner plus d’authenticité à son récit, Poe affirme dans la préface qu’il s’agit des souvenirs réels d’Arthur Gordon Pym. Celui-ci serait un voyageur revenu depuis peu du pôle Sud, région qui à l’époque de Poe (1838) était encore mal connue. Si la relation est inachevée, c’est que, d’après l’auteur, Pym serait mort mystérieusement avant d’avoir mené à bien son œuvre. Et voilà que le roman s’interrompt à un point crucial ! Ce mystère, qui combine des hiéroglyphes gravés dans la montagne et une apparition blanche, donnera lieu à de nombreuses interprétations, y compris psychanalytiques.
Au final, c’est un roman plutôt déroutant, mais qui suscite un intérêt constant au fil des pages. Difficile de l'oublier par la suite! Les deux premiers tiers du livre en font un roman d’aventures, parsemé de cruautés physiques et psychologiques, mais ô combien riche en suspense ! Dommage que la dernière partie, avec ses descriptions fantasmagoriques du pôle, s’oriente plutôt vers la science-fiction. J’ai trouvé la fin un peu décevante. Pourtant on ne peut qu’être admiratif face à l’imagination horrifique de Poe et à la qualité de son écriture. A lire absolument.