Les Bienveillantes est un titre quelque peu énigmatique lorsque l'on voit avec quel acharnement le lecteur est tiraillé ça et là entre deux pôles contradictoires: la folie meurtrière et la pitié. Jonathan Littell est tout sauf bienveillant car il a exploré à son paroxysme l'écriture de la violence pour dépeindre un personnage jamais vu, poussé dans les abysses de ses passions les plus violentes, dépeintes avec un réalisme plus que déconcertant. L'incarnation même de l'horreur nous est crachée au visage sans répit. Mais - et c'est ce qui fait la force et le talent de Littell - cette gratuité de la violence, déshabillée de tout euphémisme, crée une fascination; celle de l'inconnu, de l'insaisissable et de l'incompréhensible. Cette curiosité morbide enferme le lecteur dans sa torpeur et le cloue dans son fauteuil comme un criminel au pilori. Ce livre assassin nous prend aux tripes, nous pousse plus bas que terre en nous montrant que nous sommes tous - involontairement car inconsciemment - des animaux, du fait même que nous consentions à une telle lecture.