Cela fait du bien de sortir de temps en temps des chemins battus du rationnel. La voie royale, c'est la science fiction, bien sûr, mais le grand intérêt, la grande qualité de ce livre, c'est de simplement s'ouvrir à l'immensité de la vie elle-même, à son incroyable potentiel.
C'est cette voie que Frédérique Deghelt a décidé d'emprunter dans ce livre-ci. Et elle le fait avec beaucoup de justesse, sans rien trahir de toutes ses facettes, des peurs, de la noirceur, mais aussi de l'indicible et de l'immensité de l'amour universel auquel cet univers-là permet de se connecter. Dans LE pays du rationalisme où tout ce qui sort du scientifiquement approuvé ou démontré est regardé comme potentiellement sectaire, cet ouvrage fait du bien. Il met en lumière l'écart qui ne cesse de se creuser entre l'establishment somme toute étriqué dans lequel nous vivons, somme de tous nos carcans de rationalismes, et l'évidence désormais universelle de cette "autre" part des choses, de la vie elle-même. L'auteure entrouvre une petite porte vers ce monde-ci et le fait avec parfois une jubilation heureuse.
Je ferais néanmoins la part des choses entre le fond et la forme.
J'ai aimé le premier, c'est une évidence. Continue Frédérique, tu dis justement les choses. J'aurais volontiers mis 8, voire 9.
Sur la forme, je suis plus réservé. Autant le récit démarre de façon assez flamboyante et réussit à maintenir une tension indéniable pendant une grosse moitié de la narration, autant finissent pas être pesantes et interminables les interrogations intérieures de l'ensemble des acteurs du livre. On a l'impression que le turbo est tombé en panne en cours d'écriture et qu'il ne reste plus qu'un diesel un peu poussif en cours de route. Et visiblement, il n'y avait pas de réparateur agréé sur la dernière partie du chemin.
Au final, on en ressort avec un sentiment de paradoxe inconfortable : c'est un livre sur l'intuition, sur l'ouverture à l'au-delà des choses, sur l'au-delà de la raison ... et c'est écrit sur un plan "mental", beaucoup trop intellectuel. Jamais la raison ne dévisse vraiment. Bien sûr, le doute est aussi le sujet du livre, mais l'accès plein à cet univers aurait nécessité une écriture plus libre, une suite de questionnements un peu plus allégée, un saut dans cet inconnu un peu plus joyeux. J'ai trouvé, mais c'est peut-être mon exigence personnelle, les personnages un peu froids, un peu papier glacé, un peu binaires aussi, même si le sujet génère obligatoirement une position tranchée.
Ce livre nous ouvre sur le monde du lien, de l'amour inconditionnel ... et on reste derrière la vitre, sans l'expérimenter dans les différentes situations, dans les différents personnages.Le seul spontanément attachant et pour lequel on ressent un vrai sentiment de tendresse, est cette tante, Francesca, qui disparaît prématurément. Dommage. Mystérieuse petite Francesca.
A écrire tout cela, je me rends compte que je suis un peu sévère, mais si, c'est un beau livre tout de même que je recommande. Très probablement aurez-vous un regard différent. Vous me direz !