Je les hais, comme je hais cette facette de ma personnalité. Ils sont des répulsoires, les anti-héros par excellence. Ces gens qui sont devenus mous par l'absence de contraintes. Ces faux marginaux qui refusent de vivre et par lâcheté refusent de mourir. Ils incarnent l'anti grandeur, l'absence de prise de décisions, la fuite perpétuelle, la lâcheté en fuite. Ne leurs prêtons pas trop de passions et de superlatifs pour les décrire car ils sont modérés, sans puissance sans grandeur, sans principes, sans désirs, sans envie, sans vie. Le vide les caractérise et la pitié est le seul sentiment qu'on leur voue.
Après une nuit de débauche à Paris : Léon de Coantré avec ses 500 francs en poche essaye de se livrer à la folie mais cet homme a perdu toutes passions, cette homme fuyant, refusant la souffrance en refuse aussi les plaisirs. Ne pouvant se décider, restant dans l'indécisions en toutes circonstances, n'oscille jamais entre peine et exultation. Il a abandonné et est un fantôme que chacun fuit autant que lui nous fuit. On aimerai toutefois les sauver mais rien n'est à sauver eux même ne souhaites pas se sauver, ils sont las.
"Si nous n'avons pas décrit plus fortement les sentiments de M. de Coantré au cours de cette nuit, c'est que ces sentiments n'étaient pas plus forts" (fin chapitre VII). Voilà la phrase qui résume ce qu'est cet homme, la folie ne l'anime plus, il est sans passions, la flamme s'est éteinte en lui, rien ne l'anime plus.
Je ne sais pas quelle note mettre à ce roman car il est aussi haïssable que nécessaire.
A tout ceux qui prônent l'ascétisme, la modération voila la ou elle mène : vers la défaite et la mort.
Et puisque j'ai l'arrogance d'apporter mon opinion, l'insolence de troubler par ma parole, j'ose un appel à tout ces M. de Coantré, à toi Hugo que j'ai croisé au café et que j'ai questionné, retrouvez la folie (la folie enseignée par Zorba le Grec), retrouvez les désirs et l'innocence, retrouvez cette âme d'enfant et retrouvez l'audace de n'être pas effrayé du monde. La mollesse vous a eu, redevenez rigide, mais redevenez aussi souple en même temps, regagnez cette tonicité qu'apporte la contrainte.
Alors que la vie l'accable M. de Coantré souhaite dormir : "Le grand goût de M. de Coantré était aujourd'hui de dormir. Toujours il avait aimé s'étendre sur son lit dans la journée [...] il s'endormait et c'était devenu son rêve : dormir le plus longtemps possible durant l'après-midi."
M. de Coantré abandonne par le sommeil, le manque de contraintes, la vie s'essouffle en lui de cette manière.
J'ai failli à ma tâche, j'aurais dû t'insulter Hugo du café, voila ce qui t'aurais mis vers la voie du renouveau, t'insulter pour que tu te mettes en colère, pour que tu retrouves les sentiments humains et la flamme de la vie. La méchanceté, la brutalité et l'injustice voila des moteurs de vie que réanime la fierté de l'homme et son désir de combativité car quel est l'ultime mouvement de désespoir qu'a M. de Coantré avant de mourir, seul, dans son trou ? Il se met en rage contre le docteur Gibout, un médecin de campagne, qui le fait attendre, lui un Comte même pauvre, une heure et demi devant son cabinet. (Spoiler Anatomie d'une chute)
Ceci se passe tout comme dans Anatomie d'une chute : Samuel avant de se suicider à une dernière crise de colère, un dernier regain de vie avant de mettre fin à ses jours. Un suicide après une vie à s'enterrer et qui ressemble sur la fin à une longue résignation.
Finalement puisque j'aime les citations et ce qu'elles m'évoquent, voici celles qui me viennent "Nous naissons tous fous et certains le demeurent" S.Beckett et ce à quoi J.Brel ajouterait "La qualité d'un homme se calcule à sa démesure; tentez, essayez, échouez même ce sera votre réussite.", comprenez dans démesure, sa folie : soyez fous ou ne soyez rien. mais finalement c'est Renan qui apporte le fin mot "Pour agir dans le monde, il faut mourir à soi-même. L'homme n'est pas ici-bas seulement pour être heureux, il n'y est même pas pour être simplement honnête. Il y est pour réaliser de grandes choses pour la société, pour arriver à la noblesse et dépasser la vulgarité où se traîne l'existence de presque tout les individus." Renan tiré de Van Gogh le Soleil en face de Pascal Bonafoux car la folie et de sa propre initiative, sa touche personnelle, elle est l'incarnation de soi, sa plus belle pièce à apporter à l'humanité.