J'ai une relation particulière avec Jules Verne. Voyage au centre de la Terre est le premier roman que j'ai lu, quand j'avais une douzaine d'année. Je suis instantanément tombé amoureux de l'auteur. J'ai lu les Cinq cents millions de la Bégum à la même époque. Depuis, je suis parti en chasse des autres Voyages Extraordinaires et, si j'en ai apprécié certains plus que d'autres, je n'en ai jamais trouvé aucun mauvais.
Donc j'ai aimé les Cinq cents millions de la Bégum, voilà qui est dit.
Dans ce roman, un français, le docteur François Sarrasin, et un Allemand, le professeur Schultze, se partagent un héritage colossal de cinq cents millions de francs. Ils décident de fonder chacun une ville parfaite. Pour Sarrasin ce sera France-Ville, la cité du bien être, et pour Schultze, Stahlstadt, la cité de l'acier.
France-Ville est une cité où l'hygiène, la santé et l'instruction sont élevées en tant que vertus cardinales. On trouve même des notions d'écologie en avance sur leur temps : les fumées des cheminées sont traitées et débarrassées de leur carbone avant d'être relâchées dans l'atmosphère. Bon, par contre, les eaux usées sont juste évacuées hors de la ville, nous ne sommes qu'en 1879 après tout.
Stahlstadt est une ville-usine destinée au profit d'un seul homme. Si France-Ville est clairement une utopie, Stahlstadt n'est pas, contrairement à ce qu'on pourrait penser, une dystopie. Certes, on aurait pas envie d'y vivre car la vie y semble difficile, mais les ouvriers n'y sont pas plus maltraités ni moins bien payés que dans n'importe quelle mine ou usine sidérurgique de l'époque.
Le véritable héros du roman n'est pas le docteur Sarrasin mais son protégé, le jeune Marcel Bruckmann, un alsacien qui infiltrera la cité de l'acier pour en découvrir les noirs secrets. En face, le professeur Schultze représente le danger d'un esprit génial au service d'une mauvaise cause. L'allemand, prêt à tout pour démontrer la supériorité de la race germanique sur toutes les autres, et surtout les français, est une troublante vision prémonitoire d'un autre allemand qui deviendra tristement célèbre soixante ans plus tard...
J'aime le style de Jules Verne, documenté, énonçant les faits, pointilleux dans les détails, nous présentant les grands progrès de son époque ; j'aime ses personnages, fort en caractères, représentants des idéaux tant physiques qu'intellectuels. Jules Verne place l'homme de science au sommet de la pyramide sociale et lui donne toutes les vertus. J'aime ses intrigues simples, aux rebondissements rocambolesques. Je conçois parfaitement que d'autres puissent trouver le style vieillot, démodé. Moi je lui trouve un cachet irrésistible et ne m'en lasserais jamais.
Les cinq cents millions de la Bégum est un très bon Jules Verne, que tous les amateurs de l'auteur se doivent de découvrir.