Critique totalement subjective d'une convertie à propos des Confessions de son saint patron.
J'ai choisi Saint Augustin comme Saint patron lorsque j'ai reçu le baptême à 27 ans, l'an dernier. Choix mûrement réfléchi et mû par différentes causes. L'art de la rhétorique dans lequel excelle Augustin m'a toujours beaucoup plu. J'aime les gens qui écrivent avec leurs poings et leur cœur autant que leur cerveau. Choix guidé aussi et surtout parce que Saint Augustin, un des plus grands génies du christianisme, était noir, ce que l'on occulte complètement de nos jours. Il était représenté en Noir tout le Moyen-Âge dans les enluminures, cela ne dérangeait pas nos anciens.
J'avais déjà lu d'autres ouvrages d'Augustin mais bizarrement pas ses Confessions. Et là je me dis qu'il n'y a vraiment pas de hasard. Je n'aurai jamais cru que quelqu'un d'autre que moi ait pu trouver la foi en Dieu partiellement en lisant Cicéron.
Je partage aussi avec mon patron la "sensualité", comme dit très poliment dans la traduction, parfois exacerbée qui détourne de la réflexion. Je ne savais pas qu'il était aussi chaud de la bite que cela et ça me rassure vachement pour la suite. La sensualité, je préfère la sexualité, d'Augustin est très intéressante et mérite que l'on s'y arrête car s'il la confesse, c'est afin d'illustrer l'adage selon lequel "l'esprit est ardent mais la chair est faible". Dans le monde catholique moderne bourgeois où l'on a l'impression que "la chose" est tabou, cela empêche bon nombre de gens de se convertir. Les quelques passages qu'Augustin consacre à sa sexualité sont d'une plume absolument grandiose et Dieu est sans doute content qu'il se soit converti sinon Augustin aurait été le plus grand écrivain érotique de l'Histoire de l'humanité. Citation: livre 2, chapitre 2 "Des vapeurs s'exhalaient de la boueuse concupiscence de ma chair, du bouillonnement de ma puberté...ma débile jeunesse emportée à travers les précipices des passions était plongée dans un abime de vices...Vous vous taisiez alors, et je m'éloignais toujours de vous, jetant de plus en plus de stériles semences, génératrices de douleurs, avec une bassesse superbe et une lassitude inquiète...en cette seizième année de mon âge charnel, où je subissais avec un abandon total l'empire de cette folie sensuelle qu'autorise le honteux honneur humain". Sans commentaire, nous sommes tous passés par là. Augustin, ce n'était pas ta faute, c'est les hormones de l'adolescence très difficiles à gérer.
Autre citation, longtemps après sa conversion et qu'il soit devenu évêque, il ne s'en cache pas, ça le hante toujours: livre 10, chapitre 30 "Mais elles vivent encore dans ma mémoire... les images de ces voluptés: mes habitudes de jadis les y ont gravées. Elles s'offrent à moi, sans force, à l'état de veille, mais dans le sommeil, elles m'imposent non seulement le plaisir, mais le consentement au plaisir et l'illusion de la chose même... Votre main Dieu...ne peut-elle abolir les mouvements lascifs de mon sommeil? " J'arrête là car le reste est encore plus chanmé. Sans commentaire, nous ne sommes tous que de pauvres hommes...et femmes. Je ne pense pas qu'une sainte femme se soit déjà autorisée à parler ouvertement de cette problématique. (Hormis sœur Emmanuelle qui avait choqué beaucoup de monde en avouant que même sœur, il lui était déjà arrivé de se masturber, très rarement)
Bien que n'ayant pas de problème avec ma bite (parce que dépourvue de cet attribut) je suis d'accord avec Augustin pour dire que se tripoter le minou en solitaire, à l'adolescence et après, rempli d'un plaisir charnel fugace teinté de honte. Tandis que la sexualité partagée à deux, dans le couple uni par l'amour, peu importent les trucs privés et chauds qu'on peut faire, laisse un souvenir glorieusement impérissable et des enfants magnifiques. Cependant, comme Augustin le dit, passer trop de temps à se livrer à sa sensualité empêche d'approfondir la quête de Dieu, ou même de quelque autre domaine qui exige un effort intellectuel soutenu. C'est une lutte très difficile et durable qui ne nous quitte pas jusqu'à la fin du pèlerinage terrestre. A part si on a la grâce de la continence conférée par Dieu.
Il est à noter que S. Augustin, fidèle à sa concubine, se livre très peu sur les rapports qu'il a entretenus avec elle. Il ne cite pas même son nom et, après réflexion, il me semble que c'est par pudeur et respect, afin de ne pas livrer en pâture à ses adversaires la mère de son fils et sans doute aussi afin de ne pas réveiller les sentiments profonds qu'il lui portait.
Il m'a fallu deux semaines pour venir à bout de l'ouvrage, ce qui est très long pour moi. Les neufs premiers livres permettent de bien suivre le long cheminement personnel de S. Augustin vers l’Église catholique et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il ne s'épargne à aucun moment et se regarde en vérité, très en profondeur et offre au lecteur un miroir dans lequel ausculter sa propre âme. Ce temps de lecture m'a permis de méditer chaque étape de sa vie et également d'apprécier en regard les Écritures qui émaillent presque chaque ligne de son texte, et aussi de faire un tour du côté des néo-platoniciens. Sa plume est de toute beauté et parfois ardue, cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un texte aussi bien écrit. Cette auto-biographie très vivante offre aussi un panorama sur la vie dans l'Empire assez fascinant. On y voit également la vie des premiers chrétiens, les textes auxquels ils avaient accès, leur manière de cheminer à travers les Écritures et dans un monde largement païen ou hérétique. C'est culturellement très riche.
Les quatre derniers livres sont des traités théologico-spirituels assez denses et complexes. Sa méthode rhétorique permet de bien saisir sa réflexion philosophique sur le problème du temps et de la Création. Il est admirable de voir de quelle manière il se remet à l'Esprit Saint afin de comprendre les Écritures, tout en restant très ouvert sur les différentes interprétations de celles-ci. J'aime ces Confessions car, se reconnaissant pécheur, Saint Augustin ne se permet jamais de juger autrui, ni même de se moquer des autres.
Seulement 9 pour la note parce que son accusation de péché envers le bébé qu'il était n'a pas de sens. Il ne faut pas s'accuser de choses contre lesquelles on ne peut rien. Un bébé pleure quand il a faim car il ne sait pas parler et parce que son cerveau n'est pas fini, donc il est bête, c'est tout !
Mention spéciale à son image de la femme : "la femme, sans doute, est d'une intelligence et d'une raison semblables à l'homme, mais physiquement elle lui est soumise". Je me soumets avec grand plaisir et Dieu, S. Augustin et moi comprenons parfaitement ce que cela veut dire !
Il est très rare de lire un livre aussi beau dans lequel l'intelligence le dispute à l'honnêteté et la vérité à l'amour.