Très bon livre historique d'Amin Maalouf sur les Croisades, résumées en 300 pages faciles à lire et tenant en haleine comme s'il s'agissait d'un roman.
Nous étions donc, nous Occidentaux, les "barbares" de l'époque, sanguinaires, sans culture, doués de peu de science (le niveau constaté de médecine par les contemporains Arabes les laissait perplexes), parfois même cannibales. Il est assez rafraichissant en cette période de 2022 où l'immigration, avec en ligne de mire un "Grand Remplacement" par les populations musulmanes, fait la une des journaux de lire des passages où les rôles sont complètements inversés:
"J'allais commencer la prière lorsqu'un Franj se précipita sur moi, m'empoigna et me tourna le visage vers l'Orient en me disant : "C'est ainsi qu'on prie ! " " - Oussama Ibn Mounqidh, Chroniqueur
En évitant les raccourcis simpliste, Maalouf arrive à décrire la complexité géopolitique qui caractérise déjà la région à cette époque. Rapidement après la première croisade franque, des luttes de pouvoirs éclatent entre l'ensemble des communautés locales (Francs, Turcs, Kurdes, Arabes, Mongoles, etc.) et parfois même au sein de ces communautés. Il cite par exemple la bataille de Tell Bacher qui a lieu en 1108 et qui fait combattre Tancrède d'Antioche (Franc) au côté de Redwan D'Alep (Turc) contre l'émir de Mossoul Jawali qui dirige une coalition de Turcs, Francs (Baudouin d'Edesse) et d'Arabes - nous comprenons rapidement que la motivation religieuse de cette croisade cède vite le pas aux intérêts stratégiques des chefs locaux.
Maalouf parvient également à montrer combien ces invasions successives, qui ne sont donc pas que franques, mais dont on peut quand même attribué l'antériorité, et d'une certaine façon, la responsabilité, ont profondément marqué la culture Arabe et laissent encore des cicatrices aujourd'hui. Un des derniers chapitres résume simplement ces enjeux:
"Assailli de toutes parts, le monde musulman se recroqueville sur lui-même. Il est devenu frileux, défensif, intolérant, stérile, autant d'attitudes qui s'aggravent à mesure que se poursuit l'évolution planétaire, par rapport à laquelle il se sent marginalisé. [...] Fallait-il affirmer son identité culturelle et religieuse en rejetant ce modernisme que symbolisait l'Occident? Fallait-il, au contraire, s'engager résolument sur la voie de la modernisation en prenant le risque de perdre son identité? Ni l'Iran, ni la Turquie, ni le monde arabe n'ont réussi à résoudre ce dilemme; et c'est pourquoi aujourd'hui encore on continue d'assister à une alternance souvent brutale entre des phase d'occidentalisation forcée et des phases d'intégrisme outrancier, fortement xénophobe."