Le livre vaut notamment par un style un brin désuet, précis, sans emphase excessive, mais qui séduit par sa précision et sa langue classiques. L’aperçu d’une France qui travaille, qui croit d'ailleurs en la valeur du travail, y persévère avec une application parfois un peu bornée, est séduisant. Il y a d'ailleurs dans le livre quelque chose d'une vignette de la France du début du siècle, et en particulier d'une classe industrieuse de petits patrons qui a longtemps animé le pays. L’intrigue est un peu floue, si tant est qu’il y en ait une ; l’optique du roman se déplace progressivement d’un personnage à l’autre. Cela contribue à en faire un roman “d’atmosphère”, atmosphère au goût doux-amer, comme celle de beaucoup de ces romans bourgeois du XXe siècle.
Une citation : « Jean connaissait aussi le langage des maîtres et leur amertume. Ils disaient : “Pendant que les ouvriers font grève pour une bêtise, l'Allemagne s'implante dans l'Amérique du Sud, à jamais perdue. Ce sont toujours les plus payés qui réclament. Ils gagnent le double de l'ouvrier allemand.” Sans doute, ils gagnaient leur vie, si on ne comptait pas le chômage, la maladie, la vieillesse. Mais Jean entendait les raisons plus secrètes des maîtres : “Nous ne pouvons pas faire des comptes si précis. Il est trop tôt encore pour penser aux ouvriers, pour les comprendre et entrer dans leurs intérêts. Nous sommes engagés dans une autre bataille qui exige de grandes réserves d'argent, et où il faut inventer sans cesse, vaincre tous les jours, sauver tout le monde, sans songer aux blessés.” »