Un brusque bouleversement de nos consciences

Années 60, guerre froide. Les deux nations les plus puissantes de la planète sont sur le pied de guerre, tous leurs efforts consacrés à prendre une avance technologique sur l’ennemi, le monde au bord de l’annihilation totale, mais un événement va rapidement rendre dérisoire tous leurs efforts. Des vaisseaux extraterrestres viennent de se positionner au-dessus des villes. Une race suffisamment avancé pour franchir les immensités considérables de l’espace, par conséquent bien plus avancé que nous, à un niveau difficilement imaginable. Désormais, plus rien ne sera comme avant.


Les extraterrestres, appelés Suzerains, ont imposé la paix à toutes les nations. Mais excepté leur interdiction formelle d’user de la violence, ils laissent les hommes libres, libres de s’opposer à leur influence ou de provoquer la méfiance envers leurs objectifs, du moment qu’ils n’emploient pas de moyens violents. Mais dore et déjà leur apparition bouleversé irrémédiablement les choses : c’est la fin de la souveraineté des nations, et aussi des religions, elles qui plaçaient l’homme comme l’image de Dieu et création ultime de l’univers.
Indéniablement, leur venue a été bénéfique, car pour la première fois dans toute l’humanité, la Terre est en paix. Mais les esprits ne sont pas sereins pour autant et certains s’inquiètent de leurs véritables objectifs, qui demeurent cachés pour des raisons difficilement perçues. Leur décision de ne pas révéler leur apparence n’arrange rien. D’autres s’irritent de ne pas décider eux-mêmes de l’évolution de leur espèce. Mais au-delà des avancées évidentes, leur venue sur Terre est-elle vraiment bénéfique ?


Autant le révéler tout de suite, contrairement à la majorité des histoires mettant en scènes des rencontres du 3ème type, les aliens n’ont cette fois pas d’intentions hostiles dissimulées, ils ne cherchent pas à nous réduire en esclavage, nous stériliser ou nous récolter pour recueillir nos fluides vitales. Le thème du livre apparaît donc comme étant l’impact qu’une telle civilisation nettement plus avancée peut avoir sur notre civilisation.
L’impact psychologique d’abord, pour nous qui, même sans être croyant avons l’habitude de considérer l’homme au sommet de la chaîne alimentaire, seule espèce vivant évolué dans un univers immense et froid. Conditionnés pour penser que la Terre nous appartenait, attendant que l’on exploite, et qu’il en allait de même, par extension, pour l’espace. Et tandis que les hommes mettaient en avant leurs prouesses technologiques et l’évolution de leurs civilisations, les nations s’enorgueillant de leurs avancées par rapport à leurs voisins, l’arrivée de cette race alien écrase toute cette fierté et impose une douloureuse humilité, nous ramenant à une condition plus vulnérable. Un brusque bouleversement de perspective et un changement d’échelle radical pour nos consciences. La victoire d’un monde régit par la science face aux croyances religieuses. Les querelles générationnelles devenues soudainement stériles.


Mais en remettant son évolution dans d’autres mains, l’humanité ne risque-t-elle pas de perdre une partie de sa liberté ? N’aurait-il pas mieux valu que l’humanité accède toute seule à ce niveau, trouve elle-même le chemin de la paix ? Question complexe étant donné que les Suzerains ont probablement évité une destruction nucléaire… Et quel impact sur notre culture ? En effet, avec les technologies apportées par les Suzerains, la production quasi illimitée des ressources, des transports permettant un accès rapide à n’importe quel endroit de la planète, la production culturelle a fortement diminuée, à cause des trop nombreuses distractions, et une espèce de torpeur et d’engourdissement que provoque un excès de confort.


Toutefois, en deuxième partie, la révélation des véritables objectifs des Suzerains orientent le livre vers un autre cadre, plus mystique. J’aurais préféré une plus grande réflexion sur les questions soulevées, principalement les risques à confier notre destin dans d’autres mains, même si les idées développées ne manquent pas d’intérêt. En particulier celle que l’homme actuel n’est pas fait pour explorer les étoiles, d’où l’interdiction des Suzerains de nous interdire cet espace. L’univers est trop grand, les distances trop énormes et une quantité d’étoiles et de planètes si faramineuse qu’elle échappe à notre compréhension, mais c’est surtout l’existence de forces qui nous dépassent qui justifient cette décision. Une révélation choquante pour ceux bercés par des histoires d’empire galactique, où le futur allait forcément passer un jour ou l’autre par l’exploration spatiale. Et d’une manière fort différente de celle que l’on aurait imaginée, l’arrivée des extraterrestres pourrait bien signer la disparition de l’espèce humaine…


Parmi ces forces qui nous dépassent, il y a donc cette puissance mystérieuse qui permet aux jeunes individus des races consciences d’étendre ces perceptions et de dépasser les limitations matérielles. C’est l’évolution ultime des races intelligentes, qui se termine par la disparition de l’espèce en question telle qu’elle existe. On pense toujours à la disparition de l’homme par un cataclysme, très rarement comme une évolution à un stade supérieur. C’est probablement ce qui nous attend si on survit assez longtemps, mais une évolution que nous aurions choisis, mais ça c’est une autre histoire. Dans le livre, c’est une évolution qui met brutalement fin à tous nos rêves et nos espoirs. L’histoire de notre espèce n’aura toutefois pas été veine, ce qui apporte en soi une grande satisfaction, mais qui s’accompagne malgré tout d’une profonde tristesse.
Les esprits libérés iront rejoindre ceux d’autres races conscientes, vers des buts inconnus qui dépassent notre compréhension.


Je reste sceptique toutefois quant à la nécessité dans l’histoire de désintégrer la Terre… est-ce vraiment là l’évolution ultime ? Désintégrer des constructions complexes de la matière qui ont pris des milliards d’années à se former, dans le seul but de devenir pure énergie ? Cela ne me paraît pas très logique…


Mon premier livre d’Arthur C. Clarke, une référence en littérature de space opéra. Même si la réflexion sur les extraterrestres n’est pas aussi approfondie que je l’aurais souhaitée, cette histoire de rencontre avec une autre forme de vie s’éloigne largement des cadres habituelles pour proposer des idées originales qui ne sont pas sans susciter d’autres pistes de réflexion.

Enlak
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le 7 févr. 2016

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