812 pages à l'image d'un pays-continent. Les enfants de minuit de Salman Rushdie se veut-être un kaléidoscope de l'Inde, de sa partition, et donc aussi du Pakistan et du Bangladesh.
S'il est parfois coutume d'entendre de la part des touristes-voyageurs occidentaux qui visitent le sous-continent que "L'Inde, on l'aime ou on la déteste", cet ouvrage en constitue une parfaite illustration. Un roman gargantuesque pour lecteur avertit, particulièrement exigent (le style de l'auteur n'aide pas) mais au combien passionnant pour celui ou celle qui aura eu le courage de ne pas lâcher au cours des 300 premières pages (soit la totalité ou presque du Livre 1). Passé ce coût d'entrée assez important, le lecteur plonge et se perd dans la mise en abime tentaculaire que nous livre Rushdie à travers son double Saleem Sinai. Le lecteur survole alors plus de 60 ans d'histoires politiques au travers de sous-récits romanesques portés par des personnages métamorphiques, de Srinagar à Bombay, en passant par Delhi, Karachi, Rawalpindi, Dacca, Varanasi ou encore les délires tropicaux des bouches du Ganges - les cheveux de Shiva - se jetant dans le Golf du Bengale (l'irréel chapitre "Dans les Sundarbans" évoquera chez certain.es le film Apocalyse Now de Francis Ford Coppola).
Roman polyphonique empruntant au réalisme magique, Les enfants de minuit est un monde envoûtant qui entretient une filiation certaine avec l'univers de Cent ans de solitude du colombien Gabriel Garcia Marquez. S'y confrontent les derniers colons britanniques, les producteurs de Bollywood, les militants communistes, les soldats pakistanais, Shiva le Dieu de la destruction et les charmeurs de serpents. S'y embrasent alors la politique, la guerre, les persécutions au travers des trajectoires si riche et si difficile de trois États postcoloniaux fascinants.