Retour de lecture sur “Les enfants de minuit” un roman de Salman Rushdie, publié au Royaume-Unis en 1981. Cet auteur est surtout connu pour la fatwa dont il a fait l’objet en 1989, mais c’est d’abord un très grand écrivain. Ce livre a obtenu plusieurs prix littéraires et il est souvent considéré comme faisant partie des meilleurs romans écrits en langue anglaise. On y retrouve, décliné en 3 parties, les ingrédients qui caractérisent son style narratif notamment le fait de mélanger mythe et fantaisie avec la vie réelle. La première partie raconte les origines de la famille de Saleem, le personnage principal, ainsi que sa naissance à Bombay. Il est né, avec 1000 autres enfants, au moment précis de l’indépendance de l’Inde. Il est le seul avec un autre enfant, avec lequel il a été échangé par sa nurse et qui deviendra son ennemi juré, à être né à minuit pile ce qui leur confère des pouvoirs magiques. Saleen a ainsi le pouvoir de lire dans les pensées des gens grâce à son nez. La deuxième partie raconte l’exode de sa famille au Pakistan. On apprend que les 1001 enfants possèdent tous des pouvoirs magiques mais que leur puissance dépend de la proximité de leur naissance avec minuit. Saleen finit par perdre son pouvoir suite à une opération et sa famille est tuée dans un bombardement. On le retrouve adulte dans la troisième partie ou il participe à la guerre du Pakistan contre le Bangladesh qui en était une province. Après un séjour dans la jungle, il retourne en Inde où il subit la politique très dure de l’état indien, avec un nettoyage du ghetto où il habite et sa stérilisation comme tous les autres enfants de minuit qui représentent un danger potentiel pour le pouvoir en place. Rushdie nous raconte là une saga familiale baroque, une véritable épopée qui mêle l’historique et le fantastique, racontée par un homme dont le destin est intimement lié à celui de l’Inde. C’est un roman assez particulier, avec une histoire incroyablement dense, foisonnante, avec énormément de personnages. Une lecture très riche, avec une trame et une écriture de très grande qualité qui demande beaucoup de concentration. On passe continuellement de quelque chose de totalement fantastique digne des Contes des milles et une nuits, à une farce ou à une dénonciation violente du milieu politique indien. Le tout est réalisé avec brio, c’est très bien construit, on voit clairement qu’on a affaire à un très grand roman. Le point négatif réside dans le fait qu’il est très difficile de suivre le récit si on ne connaît pas l’histoire de l’indépendance de l’Inde, ni la culture indienne. Il y a continuellement des références historiques et culturelles, et celles-ci ne sont pratiquement jamais expliquées. Cela se comprend quand on voit la densité du scénario et la complexité de l’histoire de ce pays, le roman est déjà très long comme ça, mais j’ai trouvé que cela enlevait beaucoup au plaisir et à l'intérêt de cette lecture. Cela revient un peu à lire un livre dans une langue étrangère dont on ne maîtrise quasiment aucune subtilité. Ensuite, il faut également adhérer à une écriture d’une telle densité, il y a énormément de personnages, souvent appelés par des noms différents ou des surnoms. Il m’est arrivé d'être totalement perdu ne sachant pas si l’auteur évoque des personnages du roman dont je ne me rappelle plus ou s’il s’agit de personnalités de l’histoire indienne que je ne connait pas. Il y a continuellement des digressions et des explications sur des points de détails dont on ne saisit pas l’intérêt, probablement pour des raisons culturelles. Tout cela dans un monde qui alterne continuellement le fantastique et le réel, avec souvent plusieurs histoires en même temps imbriquées les unes dans les autres. Il faut vraiment aimer ce concept de "réalisme magique", ce mélange des genres est loin d'être ce que j’aime le plus. C’est donc un livre qui est littérairement intéressant, intelligent, terriblement bien construit mais qui m’a fatigué. Me sentant trop souvent exclu à cause de sa complexité, de ses références à la culture indienne et du manque d’intérêt pour ce genre narratif, la lecture a été longue et fastidieuse, elle ne m’a pas vraiment emporté, ou alors beaucoup trop rarement. C’est certainement un très bon livre, mais je n’ai pas su ou pu l’apprécier à sa juste valeur. La magie attendue n’a pas fonctionné.
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" Qui suis-je ? Ma réponse : je suis la somme totale de tout ce qui m'a précédé, de tout de ce que j'ai été vu fait, de tout ce qu'on m'a fait. Je suis tout le monde, toutes les choses dont la venue au monde fut affectée par la mienne. Je suis tout ce qui arrivera quand je ne serai plus et qui ne serait pas arrivé si je n'étais pas venu. Et je ne suis pas particulièrement exceptionnel dans ce domaine; chaque "moi", chacun des plus de six cents millions que nous sommes maintenant contient une multitude semblable. Je le répète pour la dernière fois : pour me comprendre, vous devez avaler tout un monde."