Selon le dernier roman de Delphine de Vigan, en 2031, la pandémie ne sera plus qu'un lointain souvenir mais le monde d'après ressemblera au précédent, en pire. C'est à dire dans une société outrageusement numérique et artificielle où la virtualité sera de plus en plus puissante, au détriment de la pure réalité et de la vie en commun et au profit de la consommation de masse, quoi d'autre ? Les enfants sont rois parle d'un sujet un peu étranger à nous autres, lecteurs invétérés, dont l'enveloppante passion (addiction ?) éloigne des dérives de ce théâtre de l'égo, de la haine et du soi-disant partage que sont les réseaux sociaux. Plutôt que de s'attaquer à Twiiter, Facebook ou Instagram, les suspects habituels, Delphine de Vigan s'en prend principalement à Ypu Tube, et c'est fort bien joué, car le média semble a priori moins à blâmer, surtout quand on le fréquente peu. Mélanie, l'héroïne "négative" de Les enfants sont rois, mère de famille qui met en scène sa vie de famille et notamment ses deux enfants qui n'en peuvent mais, est détestable, mais comment expliquer les millions de vues et de likes qu'elle suscite ? C'est aussi le thème en creux du livre, cette propension de beaucoup au voyeurisme et à la vie par procuration. Le tout, évidemment rythmé par le placement de produits, au royaume doré du capitalisme sans complexes. Madré, le roman l'est parce qu'il contrebalance le portrait de Mélanie par celui de Clara, l'autre personnage principal, flic procédurière, à la vie privée frustrante mais aux valeurs intangibles dont la dignité et la rectitude nous rassurent. Si la toile de fond est sociale, le livre joue parfaitement avec les codes du polar, même si c'est une façade, avec sa résolution pas très convaincante, et un prétexte pour sertir son sujet prédominant dans un écrin de suspense. Le scénario de Les enfants sont rois est huilé à la perfection, le style est un peu décevant, en revanche, mais l'efficacité est au rendez-vous. On partage et on like ce roman de Delphine de Vigan !