Sonia Devillers dévoile un récit familial intime mais aussi le passé cruellement antisémite de la Roumanie du 20ème siècle.
L’autrice retrace l’histoire de ses grands-parents, juifs et communistes, ayant vécu à Bucarest, à partir de souvenirs indirects, avec extraits d’ouvrages d’historiens, s’attachant à éclairer ‘un grand blanc de la zone blanche’.
Chaque pays d’Europe de l’Est semble avoir joué sa partition vis-à-vis des juifs, la Roumanie se départira des pays voisins par une extrême violence antisémite et férocité bestiale dans les tueries, pogroms, et exterminations dès 1941. Ces massacres seront mis en œuvre par les roumains eux-même, ayant été les inventeurs avant les nazis, des trains de la mort (tombeaux roulants où l’on ressort jusqu'à 6000 morts). C’est l’armée roumaine qui exterminera 14000 juifs ukrainiens à Odessa (ironie de l’histoire). L’état roumain créera un dépotoir ethnique et parquera des milliers de juifs dans des abattoirs près de la frontière Ukrainienne.
C’est aussi dans ce récit documenté que l’on apprend les propensions vers le nazisme d'Eugène Ionesco, attaché culturel au gouvernement de Pétain, ou bien encore l’antisémitisme de Mircea Eliade ou Emile Cioran.
En 1944 après avoir rompu avec l’Allemagne nazie, l’état Roumain basculera dans un régime communiste rapidement stalinien, gommant la shoah roumaine dans un négationisme ou révisionnisme tenaces. Par calcul, l’arrêt de la déportation des juifs de Bucarest se transformera en stratégie de négociation, donnant lieu à un trafic massif de juifs en échange de territoires avant la fin de la guerre, puis de machines- outils ou de bestiaux bien après les années 80.
Ce marché fut mis en œuvre à grande échelle avec la bénédiction de l’état Roumain exsangue au sortir de la guerre mais rapace, par un négociant Britannique (Henry Jacober), dans le secret et l’impunité, permettant de laisser sortir plus de 300000 juifs contre des animaux d’élevage (porc, poules, dindons, etc…). Troc qui plus est encouragé par le chef du Kremlin, Khrouchtchev, mais paraît-il aussi, Giscard d’Estaing. Commerce prolongé d’êtres humains rançonné par Israël ou l’Allemagne ou les familles en Occident, dévoilé par un général passé à l’ouest, Mihai Pacepa, qui publiera son récit en 1097, intitulé ‘Les horizons rouges’. Ce n’est qu’après la chute du régime en 2014, et l’ouverture des dossiers de la Securitate, que des chercheurs ont véritablement mis à jour cet exil industriel (notamment Iadu Roanid en 2005 réédité en 2021).