Après sept ans de silence, plus de quatre décennies s’étant écoulées depuis l’immense succès ds son Monde selon Garp, John Irving désormais octogénaire revient sur ses terres littéraires de prédilection, autour des thèmes qui lui sont chers, pour un pavé d’inspiration autobiographique démesurément baroque et bavard.


A soixante-dix-sept ans, l’écrivain Adam Brewster a vu disparaître la plupart des siens et prend une nouvelle fois la plume pour se souvenir de chacun d’entre eux dans ce qui, prenant l’allure d’une rétrospective de sa vie, s’avère aussi un panorama de l’histoire récente des Etats-Unis. Dans sa famille quasiment l’unique hétérosexuel enchaînant d’ailleurs assez piteusement des relations toutes excentriques et mort-nées, il n’a au final pour seules vraies et indéfectibles affections que celles qui le lient à ses proches queer, sa mère et sa cousine lesbiennes, son beau-père trans et sa dernière compagne – autrefois celle de ladite cousine.


« On peut s’aimer de bien des façons, Petit. » Faisant ses mantras de cette réflexion et de la tolérance au sens large, Adam conserve au soir de sa vie le souvenir des meurtrissures des siens, aux prises avec le conservatisme de leur Nouvelle-Angleterre, mais aussi de l’Amérique entière – notamment sous Reagan, lorsque Buchanan, alors directeur de la communication à la Maison-Blanche, déclarait que le sida était le « châtiment de la nature à l’encontre des hommes gay » – et, plus encore, celui de leur formidable combat quotidien, souvent provocateur en diable, pour la liberté d’aimer et d’être soi, peu importe son identité sexuelle.


Atypiques mais bien moins excentriques que quantité d’autres personnages hétérosexuels du livre, ce sont ces êtres aussi marginalisés qu’attachants qui donnent le ton au récit, loufoque jusqu’à l’excès, continûment physique de la pratique intensive du sport aux multiples scènes de sexe burlesques en passant par l’omniprésence aussi bien des fonctions physiologiques les plus basiques que de la mort, enfin puissamment anti-conformiste et critique à l’égard des hypocrites conventions d’une société américaine très religieuse. Et toujours, deux fils rouges : le cinéma et la littérature, avec notamment Melville, Dickens et Shakespeare, pour servir d’ossature à cette histoire d’écrivain empruntant de nombreux traits à l’auteur.


Il faut une persévérance certaine pour venir à bout de ce presque millier de pages qui, dans un débordement fantaisiste et burlesque, use et abuse si bien de l’hyperbole pour transfigurer la réalité et renforcer son propos, que l’on en sort, certes convaincu par cette magistrale leçon d’amour et de tolérance, mais aussi lassé et gavé jusqu’à l’indigestion par tant d’interminable et loufoque bavardage.


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