A ma gauche, Samuel, anti héros absolu, écrivain raté, professeur humilié par une élève, fils abandonné par sa mère, amoureux déconfit, ne trouvant d’intérêt à la vie que par le biais de son avatar Elfe dans le jeu vidéo Elfscape.
A ma droite, Faye, sa mère, qui a abandonné mari et enfant et accessoirement emprisonnée parce qu’elle vient de lancer des cailloux sur, croit-on, le candidat à la présidentielle. Et il y a le père de Faye, qui, en quittant sa Norvège natale, a emmené avec lui un Nix dont il n’a pu se débarrasser. Faye et Samuel devront donc se débarrasser du leur en remontant le cours de leur vie car « le seul moyen de se débarrasser d’un fantôme c’est de le ramener d’où il vient »
Et durant cette quête, Nanthan Hill va nous faire voyager dans le temps, depuis 1968 et ses manifestations anti Vietnam à Chicago jusqu’en 2011 et aux marches anti Wall Street de New-York, en faisant jaillir devant nous une série de personnages attachants, hallucinants ou déjantés, voire les trois à la fois.
En signant un roman aussi ambitieux, Nathan Hill se place dans les héritiers directs d’un John Irving. Son écriture est aussi foisonnante et débridée, son sens de la narration aussi puissant et son humour aussi caustique ou franchement hilarant.
Avec, en passant, quelques scènes d’anthologie littéraire : Le dialogue surréaliste entre Sandra Pottsdam, l’étudiante qui envisage la tricherie comme un travail à part entière et son professeur Samuel, totalement médusé et perdant pied peu à peu ; ou la longue agonie de Pwnage, geek absolu ( jeu de mot réservé au gaming video signifiant l’annihilation totale d’un ennemi), devant son écran pendant que son avatar Elfe se fait posément massacrer par un orque au Cap de la falaise des « Eaux Brumeuses » ; ou le piège tordu tendu par Bishop au Berg avec des magazines porno.
Bien sûr, et comme à chaque fois, ce genre d’ouvrage volumineux suscite les mêmes réserves : Il est trop long et crée quelques sérieuses baisses de régime par moments. De plus, certains personnages sont trop fouillés pour le peu d’exposition dont ils jouissent ( Laura Pottsdam, l’étudiante) et d’autres qui ont pourtant un rôle plus important ne le sont pas assez ( Périwinkle, l’éditeur). Bref un sérieux élagage n’aurait nuit en rien, mais ceci ne gâche pas vraiment le plaisir de lecture que procure ce livre.