Dans la vie, rien ne se résout; tout continue. On demeure dans
l'incertitude; et on restera jusqu'à la fin sans savoir à quoi s'en
tenir; en attendant, la vie continue, tout comme si de rien n'était.
D'André Gide, je n'avais lu jusqu'ici que La symphonie pastorale. Roman que j'ai lu sans la moindre parcelle de déplaisir mais qui ne m'avait pas laissé un souvenir fort. Raisons assez fortes pour que je me refuse pas un second Gide mais sans pour autant me jeter dessus avec frénésie. Et pourquoi ne pas tenter tant qu'à faire ce qui est non seulement considéré comme le sommet de sa carrière mais aussi un des sommets tout court de la littérature française du XXe siècle. "Précurseur de mouvements littéraires comme le Nouveau Roman", "montre les limites de la prétention du roman à reproduire le monde réel et ouvre ainsi la voie à la recherche plus large d'une écriture créatrice", quand je lis cela, ça ne peut que donner envie... merci Monsieur Wikipédia...
Mise en abyme sans limite, Oncle Edouard, écrivain de talent et attiré par les jeunes adultes de sexe masculin qui souhaite écrire un roman ambitieux intitulé Les faux-monnayeurs, tiens donc..., une réflexion sur les limites de la représentation du réel, une multitude de personnages dont Oncle Edouard est en quelque sorte le pivot, des tas de jeunes hommes plus ou moins en fleurs, une adresse au lecteur où un narrateur omniscient n'hésite pas à dire qu'il négligera tel personnage important jusque-là parce qu'il est insignifiant (je ne sais plus si c'étaient les termes exacts du monsieur mais en gros cela voulait dire cela !!!), tout plein d'intrigues qui se croisent, qui se rejoignent, du livre choral en quelque sorte.
Bon avec ça, on pourrait se dire c'est bien joli de vouloir faire un roman ambitieux qui va révolutionner les formes, etc, etc... mais la consistance des personnages ??? Ben bonne surprise, André Gide réussit le délicat numéro d'équilibriste à mélanger les deux. Bon bien sûr, j'aurais bien voulu faire par exemple plus ample connaissance avec la pétillante Sarah, qu'on croise vraiment que vers la fin du roman, rebelle dans une famille qui se voudrait sincèrement coincée, qui veut "vivre sa vie", etc... mais même les personnages qui n'apparaissent pas longtemps ont de l'épaisseur. Et l'ennui ??? Parce que généralement "révolutionnaire" dans une catégorie artistique est souvent synonyme d'"ennui", eh ben pas du tout, l'ensemble se dévore. C'est riche, c'est prenant, c'est de la grande littérature, de la littérature révolutionnaire mais dans le bon sens du terme.