Les Femmes Savantes sont, sans nul doute, une des œuvres de Molière les plus compliquées à juger en notre temps. En effet, l'écart temporel, sociétal et culturel qui nous en éloigne rend notre jugement difficile. Non pas forcément mauvais, loin s'en faut, et il ne faut pas tomber dans la facilité de la nostalgie, mais bien voir que Molière lui-même, peut-être, soit avec une critique si subtile que l'on pouvait la confondre avec son contraire, soit que cette critique attaque ce que l'on loue aujourd'hui. Des louanges qui sont, qui plus est, largement méritées.
Même avec une lecture généreuse on ne peut empêcher de voir le contexte de Molière et sa croyance dans le rôle naturel de la femme : sous l'homme, à lui obéir et à ne pas rechercher une instruction exacerbée si elle n'est pas déjà capable de faire preuve d'humilité.
Ne nions pas pour autant que c'est bien l'orgueil qui est le principal péché attaqué ici. Mais pour autant, Molière n'hésite pas à réellement se moquer des désirs d'intellectualisme, ce qui me semble un moindre mal pourtant. Molière s'y attaque tant que, comme tant d'autres avant moi, je trouve la comparaison avec les Précieuses Ridicules néfaste pour les Femmes Savantes.
Il y a, et on ne peut lutter contre, une attaque contre la philosophie et contre l'instruction des femmes. Non pas une attaque totale, ni d'une violence inouïe, comme certains le prétendent. Mais à tellement taper sur ces ennemis, Molière en oublie de nuancer distinctement son propos.
Reste que les Femmes Savantes ne sont pas que ça et que l'on aurait tord de penser cela. C'est du Molière ! C'est-à-dire c'est une maîtrise rare, voir unique, de l'art de la comédie. Que c'est drôle ! Ciel, que l'on rit ! Le rythme est incroyablement réussi, nous avons des respirations pour que le lecteur se repose alors que dans le même temps, la tension est toujours présente et est, bien entendue, croissante.
Molière nous réserve encore une fois une maîtrise rare du rythme et de la tension narrative pour ne jamais fatiguer l'esprit (on est dans une comédie quand même) tout en réalisant une vraie critique sociétale, bien compréhensible, sans faire taire pour autant l'amour de la fiction et le dynamisme de l'histoire.
Surtout on remarquera la grande beauté de la langue de Molière. Je ne sais si c'est parce que je n'ai rien lu de lui depuis plus d'un an, mais j'avais oublié la maîtrise des vers de l'auteur. C'est d'une beauté où la clarté et l'humour ne sont pourtant nullement absents. Molière ne ralonge pas ses phrases artificiellement, la longueur sonne toujours juste et vraie. Et l'on ne peut s'empêcher de rire tout en profitant de la beauté du style.
Il en ressort une ambiance très « meta » qui est amusante à lire. En effet, en attaquant le style d'autres auteurs, Molière montre le décalage avec le sien, sans pour autant avoir à forcer le trait. Il en ressort un aspect très vivant, faisant deviner la vigueur à l'époque de la publication de la pièce.
Les Femmes Savantes ne sont peut être pas la pièce la plus mémorable de Molière, et le message n'est peut être pas, selon nous, très bon, mais le résultat artistique reste formidable.