L'idée de départ d'Isabelle Monnin peut paraître étrange et saugrenue, et en même temps simplissime et universelle : elle achète un jour à un brocanteur une enveloppe pleine de photos d'inconnus. A partir d'elles, elle écrit un roman. Puis elle enquête pour retrouver les Gens dans l'enveloppe... Au final, un livre divisé en 3 parties : d'abord un roman inspiré de l'observation de ces photographies, essentiellement datant des années 70 et 80, ensuite la narration de ce qui a constitué "l'enquête" d'Isabelle Monnin, par ailleurs journaliste, enfin un CD de chansons inspirées du projet et écrites par Alex Beaupain, avec quelques interprétations faites par les Gens de l'enveloppe...
Ce qui m'a plu d'emblée, bien sûr, c'est le projet. Comme Isabelle Monnin, en regardant ces photos, j'y ai senti une universalité, cela m'a rappelé des photos dans un tiroir chez mes grands-parents, j'y ai reconnu des sosies de ma tante, de mes grands-parents, etc... (je suis trop jeune pour être Laurence, à 10 ans près, mais les décors, les vêtements, les papiers peints, les sourires, les mauvais cadrages, tout ceci a vraiment une portée universelle et humaine qui ne peut que toucher).
La partie roman est sobre, 4 narrateurs y racontent une histoire d'abandon, la mère de la petite fille ayant choisi de vivre sa vie au loin, scénario choisi par l'auteure pour expliquer son absence systématique des photos. Le texte est épuré, simple, émouvant et sobre d'humanité. Pas de pathos, un rien de simplisme parfois mais c'est tellement touchant que l'on pardonne...
Ensuite, dans la deuxième partie, l'auteure ouvre les portes de son vécu et de sa sensibilité. Car on sent bien que si ces photos l'ont touchée, c'est qu'elle-même a une relation particulière à la famille, à l'idée même de la famille, à la perte (sa sœur, juste évoquée ?), à l'abandon. L'abandon, le maître-mot de ce roman. Car Isabelle Monnin, forcément, a fait des "erreurs" dans sa fiction, elle découvre la réalité de ces photos en menant son enquête, mais au final reste le point central des 2 histoires de famille, l'inventée et la vraie : l'abandon.
J'ai aimé cette idée, l'idée que l'auteur a réussi à trouver l'universel de ces photos, une vie de famille unique et en même temps semblable à plein d'autres. Mais j'ai aussi beaucoup aimé le suspense de l'enquête, comment l'auteure se rend compte peu à peu que son personnage principal n'était pas le bon... Comment elle remonte le fil de cette famille pleine de douleurs et de joies, comme la sienne, comme la mienne, comme la vôtre... Et en même temps incomparable...
Enfin, quel plaisir que de replonger dans l'ambiance de Clerval avec le CD. Des textes poétiques, des voix bien posées, beaucoup d'émotion et de simplicité dans les textes et la musique d'Alex Beaupain (est-il le compagnon d'Isabelle Monnin ?).
Bref, tout dans ce livre m'a plu, il s'en dégage réellement une humanité rare et une grande modestie de la part de l'auteur, en même temps que la recherche d'un idéal, la recherche de l'essence même de l'humain, de la famille, du lien à l'autre et aux générations.
Un livre que j'aurais aimé écrire.