Le point de départ de ce livre est assez original et extrêmement intéressant : Isabelle Monnin a acheté sur internet, une enveloppe contenant un lot de 250 photographies d’une famille. À partir de ces photos, elle a construit l’histoire des « gens dans l’enveloppe », avant de mener une enquête afin de retrouver ces gens, et d’apprendre à les connaître en vrai, après les avoir inventés.
En ce qui concerne la partie « roman », on découvre trois personnages centraux, trois femmes sur trois générations. C’est tout d’abord la fille, Laurence, qui ouvre le récit, et qui évoque le fait de grandir avec une mère absente. On comprend au long du récit que cette absence est en réalité un abandon : Laurence attend le retour d’une mère partie du jour au lendemain vivre le grand amour en Amérique du Sud, bien loin de l’Est de la France, là où Laurence vit avec son père. On va voir Laurence grandir au fil de son histoire, on partage tous ses sentiments : ses colères, ses peines, ses incompréhensions, mais aussi ses (trop peu nombreux) moments de bonheur. On la voit se construire en marge des autres, on la voit tomber amoureuse, on la voit se chercher et se trouver petit à petit. Ensuite vient le récit de la mère de Laurence, Michelle, qui, chronologiquement, a lieu avant celui de Laurence, c’est un peu la vie avant l’abandon ou plutôt avant d’abandonner. Michelle déteste l’immobilité dans laquelle est plongée son quotidien, elle n’en peut plus de l’Est de la France, ou du moins, elle n’en peut plus de sa routine : elle a besoin de changements, elle a besoin de se sentir vivre, et ce parfois en mettant sa vie en danger. Pour supporter ce quotidien étouffant, elle se raccroche à sa fille, qu’elle aime extrêmement fort, mais elle ne parvient pas à se faire entendre de son mari, et encore moins de sa belle-famille. Elle se morfond (silencieusement et surtout intérieurement) de cette situation, jusqu’au jour où elle va faire la rencontre de Horacio qui va faire basculer sa vie complètement. Enfin, le troisième récit est celui de la grand-mère de Laurence, Simone. On découvre avec le personnage de Simone une nouvelle situation : la vie depuis que Laurence est partie chercher sa mère. Cette partie du roman est entièrement marquée par la solitude et par une absolue tristesse. Le contraste entre les lettres de Laurence à sa grand-mère – qui nous permettent de voir ce qu’elle devient – pleines de joie et n’évoquant que des moments de bonheur, et le récit de solitude de la grand-mère est absolument saisissant, et de fait très douloureux. Il est assez intéressant de voir que ces trois récits se présentent comme trois chants de solitude, avec chaque fois une nouvelle image de la solitude et une nouvelle manière d’y pallier.
Pour ce qui est de la partie enquête, on suit tout simplement Isabelle Monnin dans sa recherche des gens. Cette partie se présente comme un carnet de bord : Isabelle Monnin nous fait par de ses questionnements d’auteure, mais nous fait également lire d’autres questionnements, bien plus intimes, mais toujours présentés en arrière plan, avec une extrême pudeur. On va assister à toutes les étapes de l’enquête d’Isabelle Monnin, et donc à sa rencontre avec les gens (mais aussi avec leur vraie histoire). Cette partie est incroyablement forte émotionnellement, puisqu’elle nous donne à voir l’intimité de vrais gens, on voit Isabelle Monnin apprendre à les connaître, mais aussi – et surtout – à les aimer.
Ce qu’il faut retenir du livre Les Gens dans l’enveloppe c’est une écriture incroyablement belle, incroyablement forte, incroyablement touchante. Non seulement l’écriture est différente entre la partie « histoire » et la partie « enquête », mais elle l’est également entre les différentes parties de l’histoire. Chaque femme a sa voix, son identité inscrite dans l’écriture-même. J’ai vraiment eu l’impression de côtoyer des vrais gens, de suivre leurs pensées les plus intimes, de les voir évoluer. Certes, ce livre évoque l’histoire d’une famille, faisant de fait une place conséquente aux liens familiaux, et aux relations familiales (aussi bien dans la partie histoire que la partie enquête), mais il évoque également des thématiques qui nous touchent tous et toutes. Ce livre, en racontant l’histoire banale de gens banals nous parle finalement de nous, et nous touche de façon universelle. L’écriture d’Isabelle Monnin est extrêmement belle, j’ai été très émue en lisant ce livre. La partie histoire m’a bouleversée, j’ai pleuré, j’ai porté ces femmes dans mon cœur, et je crois que je continue de les porter. Et la partie enquête m’a également énormément émue, j’ai tout autant pleuré – si ce n’est plus. En refermant le livre, j’ai eu l’impression d’abandonner des gens que j’aimais. C’est une magnifique lecture, je ne peux que vous encourager à le lire.
(cette critique vient originellement de mon blog)