Les Grandes Marées par Anaïs Alexandre

Miles, 13 ans, vit dans une maison sur pilotis dans le Puget Sound, une zone de la baie d'Olympia. Passionné par la biologie marine, il passe ses journées à explorer et à lire des livres scientifiques. Il est le témoin de changements mystérieux mais fait aussi d'étonnantes découvertes qui lui vaudront une célébrité locale. Il fuit ses parents au bord de la rupture pour se réfugier auprès d'une veille femme qui vit entourée de livres, Florence. Il y a aussi Angie, son ancienne baby-sitter de six ans son aînée dont il tombe amoureux. C'est une jeune fille un peu paumée et pleine de failles psychologiques. Miles est un adolescent qui entre difficilement dans le monde des adultes.

J'aime les romans d'apprentissage, ça fait partie de mes zones de confort. J'en ai donc lu un certain nombre mais celui-ci est différent. Miles est encore dans l'enfance et a une regard amusé et bienveillant sur le monde qui l'entoure. Néanmoins, il commence à comprendre que derrière l’existence préservée qu'il menait jusqu’alors se cache une réalité plus dure. Il entraîne avec lui dans ses recherches un garçon plus intéressé par les filles que par le monde marin, Phelps. Ce dernier va essayer de l’intéresser au monde féminin et à la sexualité. Mais ce sont deux adolescents qui se posent des questions et croient encore à tout ce qu'on leur raconte. L'auteur décrit bien les tourments et les questions qui traversent cette période de la vie. Ils sont tous deux comme entre deux monde, s'éveillant à un âge qui les attire et les inquiète à la fois. Ainsi Miles se préoccupe plus du divorce de ses parents que de la frénésie médiatique qui peu à peu envahit la baie. L'intrigue nous est racontée à sa hauteur, ce sont donc ses enjeux à lui qui sont priorisés.

J'ai particulièrement aimé le personnage de Florence. C'est une vieille femme qui minimise son invalidité pour ne pas quitter sa maison et ses livres. Miles lui rend visite quotidiennement pour l'aider et comprend très vite qu'il y a un problème. Mais il a un tel attachement à Florence qu'il fait tout pour la protéger. Cette dernière, un peu voyante et très cultivée, répond à toutes ses questions et l'aide à s'échapper des angoisses de son quotidien. Le lien qui les uni est très pur et sincère.

Dans ce récit il y a tout, des moments graves, des traits d'humour délicieux, des descriptions somptueuses et même une pointe de fantastique. Il y a aussi une critique sociale sur les mouvements de foule et une invitation à regarder la nature. Tout cela est habilement mêlé et rend l'ensemble très atypique. C'est un régal de lecture !

L'histoire est ponctuée d'anecdotes et de faits scientifiques sur les créatures marines. Le plus souvent c'est Miles lui-même qui, au fil de ses discussions avec les autres personnages, nous les donne. Et l'auteur, par ce biais, réussi à nous passionner par le sujet. A plusieurs reprises j'ai regardé sur mon téléphone à qui ressemblaient les créatures évoquées et j'aurai un autre regard sur les plages la prochaine fois que j'y retournerai. On découvre avec Miles les innombrables formes de vie qui peuplent la baie et les spécificités si surprenantes de mollusques. C'est avec ses yeux que nous voyons le fond marin, et il a les yeux d'un enfant passionné. Si on comprend l'infinie richesse de ce milieu, on perçoit également sa fragilité. L'auteur pointe en filigrane les risques liés à la pollution sur le monde marin.