Une tranche de vie d'un village ardennais au début de l'invasion de la France par l'armée allemande. Obligés de quitter leurs maisons pour cause de risque de bombardement, le village erre sur les routes en direction du sud. J'emploie le verbe "errer" car le pays est dans un tel état de déshérence que les gens sur les routes sont livrés à eux-mêmes. Au bout d'un certain temps, constatant que les allemands sont partout, ils décident de rentrer et trouvent d'une part, leurs habitations partiellement détruites et d'autre part les allemands qui leur imposent un régime de résidence surveillée (zone dite interdite) et qui disposent de leurs terres et de leurs récoltes.
Tous ces évènements cristallisent les passions et les natures profondes des villageois se révèlent dans l'adversité. Deux personnages en particulier s'opposent violemment, l'un le maire (Irénée Barbreux) qui tente désespérément de maintenir un ordre et le respect d'autrui et l'autre un paysan sournois, envieux, peu courageux au travail (Désiré Machu) qui passe son énergie à monter les gens contre le maire et surtout à flairer la bonne combine, le trésor ou l'argent que laissent les gens qui meurent.
Ce livre a été écrit par Yves Gibeau en 1953, un an après son chef d'œuvre fortement autobiographique "Allons z'enfants".
On y ressent toujours cette vielle rancœur contre le fait militaire (et la guerre associée) et surtout contre le désordre direct et indirect que cela cause auprès des populations. Par exemple, on sent un mépris total vis-à-vis de ces anciens combattants qui prennent prétexte de leur expérience pour tirer la couverture à soi.
En somme, les hommes ne sont déjà pas beaux mais si en plus on flatte leur égocentrisme, alors on ne peut que favoriser les conflits. C'est une autre façon pour Yves Gibeau de défendre ses convictions pacifiques.
Ce roman fait irrésistiblement penser à "La terre" de Zola ou aux "les paysans" de Balzac. Il est d'autant plus crédible que le langage employé par Yves Gibeau est très "local"