En 1979 Walter Hill réalisait LES GUERRIERS DE LA NUIT, film jugé hyperviolent à l'époque et qui faisait les délices des vidéo-clubs où il fallait passer en caisse avec l'air d'avoir 18 ans, et pas les 15 et demi certifiés sur nos cartes d'identité.
On sait moins qu'il s'agit de l'adaptation d'un livre de Sol Yurick publié en 1965 et qui rencontra un grand succès. Yurick avait été travailleur social avant de se lancer dans l'écriture, et il rapportait là une réalité, - les gangs de quartier - qu'il avait fréquenté de très près. WEST SIDE STORY, que Yurick considérait comme une sacrée foutaise, avait déjà témoigné de cette réalité d'une manière très romantique. Si la pièce de Robbins et Sondheim adaptait ROMEO & JULIETTE à la mode new yorkaise, THE WARRIORS calquait sa structure narrative sur L'ANABASE de Xénophon, ce qui suffisait à épater les critiques branchés (Pauline Kael la première), et avait attiré l'attention des médias.
THE WARRIORS est un livre dur, plus violent que le film lui-même à qui Yurick reprochait d'ailleurs ses côtés un peu "comics". Il faut dire que si Walter Hill avait adapté le roman de manière littérale, il aurait été directement classé X. Il venait juste après la sortie de LAST EXIT TO BROOKLYN de Selby qui venait de dépuceler le regard de certains sur la réalité crasseuse des suburbs des grandes villes américaines.
THE WARRIORS ressort dans une traduction toute fraîche, ce sont les jeunes éditions Façonnage qui publient ça, et cette lecture m'a confronté avec le souvenir diffus du film, vu il y a très longtemps, et qui demeure parait-il aujourd'hui encore pour les habitants de Coney Island, un motif d'orgueil et de fierté. Les Coney Island Dominators, avec leurs looks improbables, leur culture de la "famille", du territoire, de la castagne et du viol, sont pourtant parmi les plus sinistres héros de la littérature de l'époque.