Avant toute chose, il faut signaler aux lecteurs de ce billet que je tiens le sous-titre de ladite chronique, ainsi que les citations (sauf la dernière comme il le sera indiqué) et ma réflexion, de l’article consacré à Emily Brontë par Georges Bataille recueilli dans *La Littérature et le mal* (1957).
Je dois dire également dans cette “introduction” que le présent billet – ou avis, ou chronique, ou tout ce que vous voulez – m’a été, en plus d’être, je l’imagine, assez mauvais, malaisé à écrire. *Les Hauts de Hurle-Vent*, sans être un pavé, fait quand même plus de 400 pages mais quelle fulgurance, quelle impression vive, riche, dense, et même, d'une certaine façon, très complète !
*Les Hauts de Hurle-Vent*, c’est cette histoire qui parcourt toute une vie, celle de Heathcliff, jeune vagabond recueillit par le père Earnshaw dans la jeune enfance de Catherine et Hindley, ses enfants dont la mère vient de mourir. Ces petits vont grandir, et c’est encore plus la passion qui va grandir entre Heathcliff, taciturne, nonchalant, insolent petit être et Catherine, jeune fille puis femme exigeante, exaltée — et fragile d’un certain sens, du fait de sa rationalité vacillante.
Peut-être même cet amour est-il réductible au refus de renoncer à la liberté d’une enfance sauvage, que n’avaient pas amendée les lois de la sociabilité et de la politesse conventionnelle.
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A vrai dire je crois que ma difficulté à rédiger une critique tient au fait que le livre, avec la plus pure violence, ont fait germé en moi la formulation exacte, la mise en mots parfaite sur ce sentiment crasse, lointain, baigné dans un je-ne-sais-quoi de malsain, de dangereux, qui me remet dans les pompes de ma prime jeunesse. Je parle de cette conscience morale qui s’établit, mais avec un excès, un refus temporaire de la laisser enlever la joie de la période de l’amoralité. Parce qu’il faut dire que c’est ce qui guide notre protagoniste Heathcliff, qui, revendique, qui terrasse la perte de ce qu’on appelle l’innocence, l’absence de moralité et de la raison.
“Le sujet du livre est la révolte du maudit que le destin chasse de son royaume, et que rien ne retient dans le désir brûlant de retrouver le royaume perdu.”
Il y a quelque chose qui vous tort les viscères avec une certaine délicatesse, ou du moins une certaine élégance : ici, dans l’enfance et le tempérament d’Heathcliff, rien de moral, mais juste “l’hypermorale” comme l’appelle Bataille ; encore plus la littérature devient, au même titre que l’enfance, le lieu de l’amoralité ou de “l’hypermorale”.
Il n’était pas insolent envers son bienfaiteur, il était simplement insensible, tout en sachant parfaitement l’empire qu’il avait sur le cœur de celui-ci et en comprenant qu’il n’avait qu’à parler pour que toute la maison fût forcée de se plier à ses désirs. (Chapitre IV, Les Hauts de Hurle-Vent)
Que dire de plus ? Si l’on parle plus prosaïquement c’est très fluide, ça se dévore — ça nous dévore —, je n’y trouve aucune longueur. Mais subsiste un seul bémol — et pour moi il est, hélas, que trop important : la narration, il faut ARRÊTER avec les récits enchâssés dans les récits enchâssés, les narrations invraisemblables et sans queue ni tête. Mais, malgré tout, retrouverai-je un roman (plus ou moins romantique qui plus est, mouvement qui est très loin d’être mon mouvement préféré) plus exact sur le Mal ?