Même si j’ai apprécié, dans une certaine mesure, Métronome, et surtout l’émission Laissez vous guider, il est intéressant d'en voir les critiques, et de voir si je me trouverai convaincu par ces critiques.
Et d’une certaine manière oui. Il y a un peu plus d’erreurs factuelles que je ne le pensais dans Métronome, erreurs qui trahissent une licence poétique avec l’Histoire qui est un peu plus importante que je ne le pensais. Ce livre ne m’a pas convaincu que Lorànt Deutsch mentait pour pousser un agenda secret, mais peut être ment-il pour couvrir des erreurs qu’il n’assume pas car elles sont le fruit d’un manque de rigueur. Ainsi quand il parle des bombardements supposés de la colonne de Juillet par des communards, il semble qu’il n’y ait aucune source directe d’une telle tentative et que Lorànt Deutsch, soit répète des propos sans vérifier, soit crée lui même la légende en amalgamant d’autres faits.
Il est à noter que depuis la parution de Métronome il a corrigé son discours, sans reconnaître ses torts, et mentionne à la place une tentative de la détruire par en dessous qui est, elle, avérée ou en tout cas fortement présumée. C’est regrettable, mais très humain.
A certains niveaux, Les historiens de garde m’a donc convaincu : Lorànt Deutsch, que ce livre cible particulièrement, commet des erreurs. Il commet des erreurs parce qu’il n’est pas un vrai historien, mais un amateur éclairé, qui se soucie plus d’une Histoire qui soit un roman que d’une Histoire factuelle. Ce point de vue le rapproche d’un certain nombre d’historiens ou d’autres amateurs qui veulent la même chose pour instrumentaliser l’Histoire.
Instrumentaliser l’Histoire, c’est sortir du cadre de la science pure, et je comprends que des chercheurs dans ce domaine aient des problèmes avec ça. Est-ce une mauvaise chose ? Sans doute, mais se pose alors la question de la fin qui justifie les moyens. Mais il n’y a pas de débat ici. Rien qui dit que ce moyen spécifique ne peut être en aucun cas justifié. Un point de vue puriste certainement admirable, mais dès lors pourquoi s’étonner que les politiciens préfèrent quelqu’un qui leur offre une Histoire « exploitable » ? Surtout face à une culture anglo-saxonne qui n’hésite pas, quand à elle, à réécrire bien plus l’Histoire sans la moindre vergogne. En témoignent par exemple des jeux comme Battlefield 1 ou des films comme Dunkerque qui se passent en France mais où ce sont les anglo-saxons qui se battent contre les Allemands pendant les deux guerres mondiales. Ou pire, peut être des films comme The King ?
Un livre qui dénonce les manipulations de l’Histoire auxquelles se livrent quelques historiens médiatiques français, peut il se permettre de ne pas les inclure dans un contexte mondial plus large ? Peut-il seulement affirmer comme c’est fait ici que d’autres pays font mieux que la France en oubliant qu’une très large majorité fait bien pire ?
Au delà donc d’un clivage politique, le vrai problème me semble ici être entre une vue scientifique, factuelle de l’Histoire, et l’exploitation qui en est faite dans tous les pays pour un roman national qui s’accorde à la vue du pouvoir en place. Pourquoi titrer ce livre « Les historiens de garde », avec un sous entendu, bouh, c’est des méchants de droite, quand le problème adressé n’a rien à voir avec l’appartenance politique ?
Pourquoi consacrer 80% à essayer de démontrer que Lorànt Deutsch est conservateur, est « coupable » d’association avec des fascistes et des antisémites, quand le véritable problème est qu’il est un amateur ne respectant pas les faits ?
Pourquoi attendre la conclusion du livre pour admettre finalement que c’est un problème qui touche tous les bords politiques ?
Je me reconnais pourtant beaucoup dans un certain nombre de problèmes évoqués dans ce livre. Le fait qu’une vedette incompétente dispose d’un discours bien plus médiatisé qu’un expert est quelque chose qui dépasse largement le domaine de la science historique. Je dirais même que dans ce domaine nous avons au moins la chance d’avoir des gens comme Lorànt Deutsch qui n’ont peut être pas la rigueur d’un universitaire mais possèdent une appréciation suffisante du sujet pour ne pas dire complètement n’importe quoi.
La conclusion, fort heureusement, ouvre un peu vers ce problème plus global. Elle se fait plus mesurée, admettant que même des historiens opposés aux « historiens de garde » commettent les mêmes erreurs dans l’autre sens et que ce n’est pas parce qu’ils sont de gauche que c’est plus pardonnable. Un tel discours me parait bien plus défendable, et je trouve dommage de ne le rencontrer que dans la conclusion, qui a été largement complétée quelques années après la première édition de ce livre. Cette conclusion sauve le livre qui ne serait sinon que discours partisan.
Critique tirée de mon blog.