Avec ce drame familial et sociétal, Mathieu Palain porte la voix d’une femme d’une quarantaine d’années, victime d’un viol à l’adolescence, qui comprend sur le tard l’impact de cette agression sur sa vie et sur celle de son fils, un adolescent de 15 ans à la dérive. Un texte fort, puissant, qui va à l’essentiel et interroge sur la question de la transmission.
L’auteur s’est inspiré du témoignage d’une femme qu’il nommera Jessie (le prénom est remplacé), professeur de mathématique en collège, en rupture avec son fils, Marco, âgé de 15 ans. Quand débute le roman, celui-ci appelle sa mère à l’aide après avoir disparu pendant trois jours. Jessie le récupére lors d’une soirée où tout a dérapé: Marco a commis l’irréparable, un acte qui aura assurément des conséquences importantes. A ce moment précis, Jessie comprend qu’elle ne peut plus échapper à la vérité. Celle-ci éclate, tel un électrochoc, au cours d’une virée en voiture où lors d’un tête à tête mère-enfant, Jessie confie à son fils l’événement traumatique qu’elle a vécu à l’adolescence, un viol, dont l’onde de choc s’est répercutée tout au long de sa vie.
Mathieu Palain signe de sa plume directe et percutante un roman féministe puissant, qui exprime parfaitement les conséquences des violences faites aux femmes : Jessie était excellente élève promise à un bel avenir mais son existence a basculé après le viol dont elle a été victime, la contraignant à une vie par défaut. La parabole utilisée par l’auteur est très éloquente : celle de la trajectoire d’une fusée déviée par un élément extérieur qui l’éloigne de façon irrémédiable de son objectif. Jessie a réagi comme tant d’autres, en se taisant, en faisant comme si rien n’avait eu lieu, mais ce déni, « cette histoire de famille qui n’a pas pris l’air à force d’être tue, a fini par moisir et à contaminer les jeunes pousses », a eu des répercussions non seulement sur sa propre existence, puisqu’elle est tombée dans la prostitution et dans les excès d’une sexualité déviante mais également sur le comportement de Marco.
En dépit de certains passages dérangeants et surréalistes (Jessie conte à son fils les détails de sa sexualité perturbée, est-ce crédible ?), ce livre m’a plu, énormément plu, pour le message qu’il porte avec pertinence. Au début de ma lecture, je me questionnais sur le bandeau dithyrambique apposé à la couverture. Lorsque j’ai posé ce livre, je me suis dit que oui, définitivement oui, ce roman est bien « électrisant et inoubliable".