Pièce de théâtre d'Albert Camus lue un peu par hasard, à l'occasion d'un weekend de farniente en Catalogne, dans une baraque sans wifi. Le bouquin trainait sur une étagère, et comme ça n'était pas très long, je m'y suis mis.
Contemporain et évidemment à mettre en relation avec "Les mains sales" de Sartre, "Les justes" s'interroge et interroge sur l'action politique et sa relation ambivalente avec l'idéal qui la motive. Ou pour le dire plus simplement, jusqu'où la fin peut-elle justifier les moyens ? La pièce met en scène un groupe de révolutionnaires qui se prépare, en 1905, à assassiner le Grand-Duc. Et qui se questionnent longuement sur le sens de leur action (et la forme qu'elle doit prendre), action dont il inévitable qu'elle conduira l'un d'entre eux à la potence.
Camus, en bon humaniste qu'il est, y met du sentiment, de la vie, de l'amour même, qu'il oppose à la haine qui est le moteur principal de certains des membres du groupe de révolutionnaires. Son message est que la violence engendre la violence, mais aussi qu'une fois qu'une voie a été choisie, il n'y a plus d'échappatoire et que dès lors, chacun doit accomplir son destin - aussi tragique soit-il - pour ne pas renier son idéal. Et difficile (la pièce a été écrite en 1948, mais aurait pu se dérouler dans n'importe quel pays) de ne pas y voir une critique du stalinisme, que certaines répliques préfigurent. A mon sens, sans doute sous-estime t'il le caractère fondamentalement autoritaire de la culture politique russe : postulat que l'histoire a largement démontré par la suite. Mais Camus, il y a près de 70 ans, ne pouvait sans doute pas le voir de façon aussi évidente.
Enfin, s'agissant d'une pièce de théâtre, j'ajouterai que la lecture n'est sans doute pas le meilleur moyen de l'apprécier. Le mieux serait de la voir sur les planches, mais là, j'enfonce une porte ouverte...