L'histoire de Sandrine Collette est un choc à la fois sociale pour la vision qu'elle porte d'un possible future et à la fois humain pour l'histoire qu'elle raconte via son personnage principale : Moe.
Jeune tahitienne heureuse et un peu naïve qui s'est éprise d'un métropolitain finalement alcoolique et dont l'existence passe, finalement, du rêve au cauchemar.
Dés son arrivée en métropole un véritable chemin de croix : soumission, racisme, dévalorisation, ...sa seule raison de continuer est le petit et l'espoir d'un avenir meilleur. Un espoir qui la mène à La Casse, Terre des pauvres et des ratés où chacun se voit attribuer une voiture. Et c'est au bout de ce cauchemar que Moe commence enfin à entrevoir la lumière via une chose qu'elle avait oublié : l'Amitié, l'entraide et la solidarité.
Le roman de S. Collette est d'une brutalité terrible car c'est une forme de photographie de notre société avec quelques retouches visuelles pour mieux faire ressortir ses défauts.
L'histoire de Moe n'est finalement pas incroyable, chuter est si facile, s'enfoncer encore plus tandis que se relever est héroïque et tient du miracle, car l'ascenseur ne va très souvent que dans un sens. Il est cassé.
Ce qui est brillant dans ce roman, c'est la capacité a écrire quelque chose de profondément féministe, d'humaniste tout en étant touchant et sensible. De nombreux passages son vibrant d'humanité, d'autres sont révoltant. Et à travers ce petit groupe de femmes, on découvre des tranches de vie qui sont aussi, indirectement, des tranches de l'histoire.
Les histoires d'Ada ou de Nini sont magnifiquement racontées et chacune nourrissent la narration ajoutant des larmes de souffrance. Le coeur du livre, dans cette Casse découpée en quartier et où l'on découvre toute l'organisation sociale qui s'est créée, est tout simplement brillante. C'est inventif et cela donne un aspect presque apocalyptique à l'existence de ces femmes. L'auteure a en plus une capacité à nous laisser imaginer les lieux car elle n'en dit jamais trop sur ce qui entoure notre groupe de survie.
Par ailleurs, le personnage de Moe construit par S. Collette recoupe une forme de courage exacerbé qui mène tantôt à sa perte tantôt à sa survie. Faire la nique au désespoir et au système, utiliser la moindre brèche, sacrifier, perdre...Moe passe par tout les états mais ne tombe jamais, même perdue quand l'enfer prend vie et que ses flammes se rapprochent, elle continue de se lever et de croire.
L'écriture de S. Collette est brillante, sèche, incisive et rythmée. Le livre dans son entièreté est une très grande réussite et on ressort de cette lecture essoufflé par l'épopée dévastatrice de Moe, d'Ada ou encore de Jaja. Se lisant comme un thriller via la quête de liberté de Moe, ce roman est un uppercut inattendu et marquant !