Les Lisières par BibliOrnitho
Paul Steiner (Olivier Adam lui-même) est un écrivain déchiré, écorché vif, mal dans sa peau. Séparé de Sarah depuis six mois, il ne voit plus ses enfants qu’un week-end sur deux. Il n’accepte pas cette situation. Ses enfants lui manquent cruellement et il est toujours amoureux de sa femme. Cette situation est temporaire a-t-il l’habitude de dire. Sauf que madame ne l’entend pas de cette oreille : elle semble revivre. Oui, il admet qu’il est impossible à vivre. Continuellement dans ses livres, peu attentif aux siens. Pas vraiment là. Un penchant pour l’alcool et le kayak qu’il pratique autour des îlots bretons auprès desquels il réside. Car cet écrivain s’est réfugié en Bretagne, fuyant la banlieue populaire et pavillonnaire dans laquelle il a grandit (de travers). Issu d’un milieu ouvrier, ses parents n’ont pas été très expansifs : son père arborait continuellement son air agacé et distribuait généreusement ses coups de pieds au cul ; sa mère, triste et effacée, n’a jamais su lui dire qu’elle l’aimait. Très tôt, il s’est trouvé différent des autres. Préférant le tennis au foot ou au vélo, aimant le jazz et la musique classique, passionné de lecture… il ne se reconnaît pas dans les siens. Jusque dans leurs convictions politiques : son père vire facho et vote pour le FN, son frère qui a réussi ne jure que par Sarkozy alors que lui-même est résolument à gauche. Les réunions de famille virent immanquablement à l’engueulade. Aussi a-t-il pris l’habitude de ne plus quitter son littoral que contraint et forcé… une fois ou deux par an, et pour une courte visite de quelques heures.
Mais cette fois, la situation est différente. Sa mère est à l’hôpital pour plusieurs jours et son père, en homme de cette génération, est incapable de se débrouiller dans une cuisine. Pour la première fois depuis plus de vingt ans, Paul va devoir séjourner dans la maison de son enfance pour s’occuper du vieil homme. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette perspective ne l’enchante guère. Sans réellement le vouloir, il revoit certains de ses amis d’enfance qu’il avait quitté du jour au lendemain et auxquels il n’a plus jamais donné de nouvelle : Stéphane qui en période d’essai au Simply du coin, Eric son meilleur ami à l’époque et qui est infirmier en hôpital psychiatrique, Sophie son amour de jeunesse devenue mère au foyer, hystérique et nymphomane… Certains d’entre eux ont lu ses livres, vu les films dont il a écrit le scénario. D’autres, non. Mais tous se souviennent de l’adolescent marginal et tourmenté qu’il était.
Dans un livre qui semble largement autobiographique, Olivier Adam fait le point sur ses souvenirs de jeunesse, sur sa famille, sur cette banlieue dont il est issu. Ses parents peu aimants, ce frère avec lequel il ne partage presque rien, ce quartier qu’il exècre, la précarité dans laquelle se débattent ses habitants, le peu de cas que fait d’eux ce gouvernement de droite qui ne s’intéresse qu’aux riches, la crise économique qui n’arrange rien, les élections présidentielles qui doivent avoir lieu l’année suivante, la montée du Front National, les primaires socialistes, les mésaventures de DSK… Et le drame au Japon, pays qui l’attire, qu’il a déjà visité à de nombreuses reprises et dans lequel il avait projeté de s’installer pour un an avec femme et enfants. Un livre un peu fourre-tout qui me donne l’impression de n’être qu’un premier jet, un texte avant le travail d’épuration de l’auteur. Car l’auteur étale, bavarde à n’en plus finir et se répète fréquemment. Comme il le reconnaît lui-même, son écriture est laborieuse et lourde. Il se plaint beaucoup et jette sur son entourage un regard que j’ai souvent trouvé suffisant : un enfant vivant en périphérie du monde et devenu un misanthrope accompli. Seuls sa femme et ses enfants semblent trouver grâce à ses yeux. Tous les autres subissent ses critiques tantôt acerbes, tantôt condescendantes : sa famille raciste, ses amis qui se sont irrémédiablement enterrés dans ce petit coin déshérité de l’Ile-de-France alors que lui est parvenu à s’en extraire, ses confrères bon chic bon genre jusqu’au bout des ongles.
Un personnage pour lequel j’ai eu de la peine à éprouver une certaine empathie. Un personnage certes torturé et auquel j’accorde quelques circonstances atténuantes mais qui ne m’a jamais paru sympathique. Une atmosphère dense, opaque et qui met à mal le lecteur que je suis. Lecture difficile que j’ai terminée au courage en lisant certaines digressions en diagonale et notamment ses continuelles suites interminables d’énumérations qui émaillent trop fréquemment son texte. Une déception.