Les Lisières par MrsLilBiscuit
Paul Steiner, écrivain et scénariste en crise, doit mettre de côté sa vie personnelle et professionnelle pendant quelque temps pour aller au chevet de sa mère et s’occuper de son père alors un peu perdu. Il quitte alors la petite ville de Bretagne, où il s’était réfugié avec sa compagne et ses enfants, pour retourner dans la ville de V. dans l’Essonne.
Paul ne se reconnait pas dans cette ville qui l’a vu grandir. Son père, ancien ouvrier syndiqué, homme dur et bourru trouvant du sens aux propos de la Blonde (Marine Le Pen). Son frère, François devenu sage vétérinaire UMPiste réfugié dans son pavillon cossu d’une autre banlieue, plus riche. Et Paul alors ? Paul est complètement étranger au lieu et à ses habitants. Il en est totalement étranger, malgré la vison que l’on porte sur lui d’auteur « en prise avec la réalité de ce monde ». Paul est rongé par un mal qu’il appelle La Maladie. Ce mal le pousse à se réfugier dans l’alcool et il se montre alors incapable de créer des liens avec son entourage. Fou d'amour pour sa famille, mais tellement insupportable à vivre, Sarah le met même à la porte six mois plus tôt. "Vivre avec toi c'est vivre avec un fantôme". Paul fait alors le constat qu’il n’est réellement bien nulle part et qu’il se trouve à la lisière de tout.
Olivier Adam aborde ses thèmes fétiches mais cette fois ci par le prisme de l’écrivain. Il nous propose déjà une vue d’ensemble, le constat d’une génération : la France majoritaire, celle des parents de Paul, qui se lève tôt mais réussit à peine à vivre. A travers les lignes on sent son analyse du déterminisme social à la Pierre Bourdieu. Le fond est posé, l’auteur se concentre alors sur Paul, « son » auteur à la dérive en entretenant volontairement une similitude. Les points communs ne manquent pas (physique, écrits, scénarios,…).Le personnage peut sembler au départ exaspérant, peu concerné, retiré du monde, parfois égoïste, indécis, hypersensible… il n’en reste pas moins que c’est ce travail sur ce personnage que l’on retient.
Paul cite Annie Ernaux, et on retrouve chez Olivier Adam un peu de Modiano, décrivant au fil des pages les fragilités de l’existence, ne tenant qu’à un fil, qu’à un être. La disparition, la fuite, le délitement des choses, les secrets de famille ou encore les rendez-vous ratés sillonnent les pages de son roman. Olivier Adam semble y dévoiler une grande part de lui-même : amour, amitié, rage, coups de gueule. .Ce roman, il ne cherche pas à le faire aimer, il le livre à cru, perturbant et prenant à la fois. Une belle réussite !