Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, Les Loups de la Calla en dit long sur ce qui fait la sève de La Tour Sombre, et même de l’œuvre de Stephen King en général : car si ce cinquième volet fait mine de se construire surtout en prévision d’un événement précis, la rafle des Loups, là n’est pourtant pas l’essentiel. L’affrontement du ka-tet de Roland et de ces funestes cavaliers, réglé en quelques instants, en est une première évidence logique nous ramenant à la véritable réussite de l’intrigue : ses palabres.


Certains trouveront à y redire, à commencer par un rythme traînant la patte au détriment d’avancées scénaristiques significatives, ce qui fut notamment le cas dans le languissant (mais somptueux) Magie et Cristal : pour autant, sa suite s’avère plus équilibrée entre respect des fondations, extensions d’univers et progression d’un fil rouge toujours plus captivant. L’introduction du personnage de Callahan est à ce titre symptomatique d’une saga se jouant astucieusement du concept de quatrième mur, King tissant des connexions aussi bien au sein même de son œuvre qu’à une échelle plus globale.


Sur fond d’un contexte ne rappelant que trop bien celui des Sept Samouraïs/Mercenaires, fait que l’auteur usera au-delà du simple clin d’œil, Les Loups de la Calla a beau s’arquer autour d’une péripétie centrale, la préparation de son climax est ainsi généreuse en développements connexes : l’origine et les tribulations du Père Callahan bien sûr, mais aussi la montée en puissance de l’élément perturbateur abrité par Susannah... tandis que les indéboulonnables Eddie et Jake iront de leur petit bonhomme de chemin, le second ne manquant pas de « s’affirmer » en tant que pistolero précoce.


S’il serait malvenu de parler d’innocence, le devenir d’un Jake enfantin brille ainsi d’un traitement très efficace par l’entremise de Benny, dont le funeste destin tient de la résolution implacable comme judicieuse. King en dit d’ailleurs long sur l’opportunisme humain et ses nombreux autres travers, les habitants de la Calla ayant tôt fait d’occulter le drame, quantitativement négligeable, au profit d’une délivrance festive : mais là n’est que l’écho logique de références affirmées, et plus intrinsèquement d’une quête se traçant à l’ombre d’une Tour(mentée) approchant de son terme... à moins que Tet Corporation ne réussisse sa folle entreprise.


Le roman tient donc du trompe-l’œil, King centralisant le cœur de l’action à la Calla mais usant de divers ressorts narratifs, tel le vaadash, pour briser un tel carcan spatio-temporel... mais dans le cadre de La Tour Sombre, le contraire aurait été surprenant. Outre son intrigue purement dédiée aux Loups, cet opus hautement divertissement s’apparente dans le même temps à un tremplin des plus enjôleurs, l’auteur continuant de tisser, connecter et accroître une myriade de détails passés, présents et futurs dans un maelström grisant.


Au même titre que ses protagonistes phares, on sent parfaitement que l’épopée entre dans sa phase finale avec, notamment, une précision des forces en présences : vampires, ignobles et autres ka-tet alors qu’un certain Roi se fait de plus en plus distinct. Place au Chant de Susannah sans tarder !

NiERONiMO
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le 18 mars 2019

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