Delphine de Vigan, ce n'est plus à prouver, possède un talent évident qui confine à l'habileté. Ces derniers ouvrages la mettaient en scène et troublaient le lecteur avec son jeu autour de la véracité du propos qui slalomait avec virtuosité en roman et réalité.
Pour cette dernière livraison, exit le personnage de Delphine, l'auteure plonge dans la fiction la plus pure en mettant en scène une prof de sciences dans un collège parisien, deux de ses élèves de 12/13 ans en perdition et les familles de ces derniers. L'une soupçonnant les enfants d'être en danger mais n'arrivant pas à le prouver. En gros, une façon d'aborder quelques problèmes sociétaux bien de chez nous , l'Education Nationale, les enfants de divorcés, l'alcoolisme ( fléau national dont, c'est vrai on parle moins que du chit, du tabac, du sucre, du gras, ...). Jusque là, rien à reprocher, nous sommes dans un genre qui va plaire dans les chaumières et alimenter les articles de la presse féminine, faisant en plus passer notre auteure à succès pour une fine sociologue. Pourquoi pas ? Une littérature de bons sentiments bien écrite n'est pas désagréable...
C'est vrai, le roman débute en trombe, le quotidien dans un collège offrant de belles occasions narratives. Et puis, la petite spécialité de notre écrivaine, se développe bien autour de l'ambiguïté qu'elle fait naître concernant la santé mentale de cette prof au bord du burn out professionnel voire intime. Au fil des pages, on voit passer les clichés mais si habilement dissimulés par une narration de belle allure qu'elle parvient à donner une impression de profondeur, faite pour que le lecteur s'exclame intérieurement (" Ah oui, bien vu !" "Oh, finement observé !). Je me suis donc laissé happer par cette l'histoire de prof justicière et incomprise et pensais que définitivement Mme de Vigan se glissait subtilement entre une Katherine Pancol trop mécanique et une ( le choix est vaste mais j'opte pour ) Alice Ferney bien plus littéraire. Mais à mi-course, patatras, Delphine, emportée par son élan, chute à cause d'un jogging Barbie ( rose évidemment)! Mais que diable faisait ce vêtement bas de gamme dans un récit qui lorgnait pourtant vers un certain chic de bon goût ? Emportée par sa hargne à vouloir faire un roman social mais plus sûrement aussi par quelques griefs contre le personnel de l'Education Nationale, Delphine de Vigan rate la porte et s'écrase dans la poudreuse. ( Pour résumer, une prof de gym sadique punit un des héros en lui faisait porter un jogging Barbie trop petit). L'idée est flashie, assez improbable connaissant quand même le milieu mais surtout ouvre la voie pour une seconde partie hasardeuse. Mme de Vigan se relève, sa rage ravalée, achève sa course complètement perdue, éperdue, n'arrivant plus à gérer les différents point de vue des nombreux personnages de l'histoire, le factice de l'intrigue explosant de pages en pages et optant, à défaut de réel point de vue, pour une fin ouverte.
Dans un précédent ouvrage " D'après une histoire vraie" , Delphine de Vigan nous parlait de son manque d'inspiration qu'elle avait transformé en un thriller psychologique bien mené. On ne l'avait donc pas cru, l'angoisse de la page blanche, les idées dans les chaussettes, elle ne devait pas connaître. Je ne sais si pour écrire ces "Loyautés", elle a beaucoup galéré mais nul doute que son envie de roman social manque sérieusement d'inspiration...
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