En exergue du roman, se placent deux citations, deux avertissements ?
«Nous avons tous si peur, nous sommes tous si seuls, nous avons tous tellement besoin de l'extérieur de l'assurance de notre propre dignité pour exister. Mais ces choses passent ; inévitablement, ils disparaissent au fur et à mesure que les ombres traversent les cadrans solaires. C'est triste, mais c'est ainsi. » (citée en anglais)
de Ford Madox Ford
et :
«Je n'ai qu'un cœur, personne ne peut le connaître en dehors de moi-même. » (traduit en français)
de Jun'ichirō Tanizaki.
« Les morts » débute par un chapitre de deux pages qui synthétise l'esprit du roman, dans un style virtuose qui va à l'essentiel. A peine deux pages pour décrire un rituel fatal et une mécanique froide qui se met en place par la suite.
L'ensemble du roman ne démentira pas ce modus operandi : concision et précision, descriptions lapidaires, humour caustique.
Les grands thèmes s'y mettent déjà en place ; la mort, le cinéma et le voyeurisme qu'il peut susciter, l'honneur, la douleur, l'être et le paraître, l'intégrité et la compromission.
Le roman se déroule pendant les années 1930, funeste période de l'Histoire, qui voit la montée du fascisme en Allemagne et au Japon.
La première partie fait les portraits croisés des deux principaux protagonistes, en entrelaçant habilement présent et passé en écho ; elle décrit ces personnalités contrastées où déjà, apparaissent certaines singularités de caractères.
Le style est vif, ironique, d'un humour parfois féroce et l'auteur ressemble à un entomologiste qui observe ses sujets à la loupe.
L'utilisation subtile, souvent sans traduction, du vocable japonais apporte une agréable étrangeté,
comme si certaines choses ne pouvaient être exprimées que dans cette langue.
L'enfance tient une place importante, constitutive de la personnalité des personnages, tout comme la place du père ou des parents.
La deuxième partie met en action l'apparition de personnages du monde du cinéma réel, qui mélangent leur présence aux personnages de fiction ; La présence de ces célébrités donnent lieu à des scènes d'une grande drôlerie, même si la griffe de l'écrivain est toujours prête à érafler un personnage.
Christian Kracht s'amuse des situations convenues, des postures, des hypocrisies de ce monde.
Le cinéma devient le principal moteur et fait l'objet
d'avis tranchés, de films avortés ou censurés, de projets improbables, et de tournages chimériques.
La troisième partie, crépusculaire, conclue avec lucidité ce roman qui n'aura cessé de jeter un regard acide sur cette période révolue. Mais ne parlerait-il pas de notre présent de la même façon ?
La découverte d'un auteur.

abel79
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le 16 nov. 2021

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