Au prime abord, cet avant-dernier livre de London, transpire du mépris des mutins, de ces sous déclassés, de ces rats des ponts inférieurs qui se nourrissent de pétrel et d'albatros, de ces fracassés des luttes éthyliques, vagissant sous l'airain de l'océan,
Mais ce ne sera pas tout, London, trois ans avant sa mort, livre un puissant moment épique, un récit de marin, depuis Baltimore jusqu'à Valparaiso, où s'affronteront les éléments déchainés. La mer comme un révélateur, et les hommes, dans leur profonde distinction de classe, de hiérarchie de chef, capitaine ou samouraïs..., seconds, et suivants, suiveurs ... sur fond de haine et de mort.
Au gaillard avant, s'agite l'équipage de sous- mousses improbables, informes, difformes, à l'arrière, l'élite blanche emmitouflée, blonde, viking (il en est!), se fait servir par des petites mains...
Les protagonistes sont finement brossés, mais la caricature peut poindre à chaque page, sans néanmoins être lassante. Parmi tous ces dézingués de la vie, embarqués sur le même grand voilier, il n'y aura qu'une femme et un petit chien fox terrier, et tout cela ne se passera pas tel qu'attendu...
Ce livre d'aventure distillera pourtant en permanence un propos philosophique, structuré par une pensée pas tout à fait nihiliste mais qui se nourrit de Nietzsche et Schopenhauer, entre cette volonté de pouvoir et d'illusion...
Et l'on se régalera de la déclinaison marine, comme un florilège à la Prévert, avec cette véracité qui colle au texte. On sera tenu en haleine jusqu'à l'issue, après cet impossible jeu de chat et souris avec le cap Horn... et oui... verra t'on venir le diable péter sur l'Elseneur!?